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LA VIE DE S. ETHBIN.

II. Saint Ethbin demeura avec l’Archevesque & receut de luy les Ordres jusqu’au Diaconat inclusivement ; mais Dieu, qui vouloit estre servi de lui en un estat de plus grande perfection, l’inspira de se retirer du siècle & de se rendre Religieux il fut confirmé en cette résolution par ce texte de l’Évangile, qu’il ouït chanter, en l’Église, à l’Archidiacre Bumerus, où le Sauveur disoit à ses Apostres que Quiconque ne renonce d tout ce qu’il posséde ne peut estre son Disciple. Il en confera avec S. Samson, lequel, du commencement, ne luy voulut donner son congé pour éprouver sa persévérance & voir si sa vocation venoit de Dieu ; mais le saint jeune homme perseverant constamment en son saint propos, enfin, non seulement il le luy accorda, mais encore il l’encouragea à exécuter son dessein, louant l’estat auquel il vouloit vivre &, luy ayant donné sa benediction l’envoya en un fameux Monastere (1), qui estoit en son Diocese, avec recommandation & lettres de faveur à l’Abbé.

III. Saint Similien, lors Abbé dudit Monastere, le receut humainement, &, l’ayant sondé, vid clairement qu’il estoit conduit de Dieu, & luy promit l’enterinement de sa requeste, luy commandant de se disposer pour recevoir l’habit, qu’il luy donna, au grand contentement de tous les Religieux de la Maison. Estant au Noviciat, il s’étudia spécialement à la mortification de ses sens & à l’acquisition des vertus il se delectoit infiniment aux exercices d’humilité il estoit doux & benin aux autres, mais austere & sévère a soy-mesme ; l’Oraison, c’estoit sa refection ordinaire, à laquelle il vaquoit de jour & de nuit ; il refrenoit sa langue par l’observance d’un estroit silence, n’ouvrant la bouche que pour loüer Dieu & accomplir l’obéissance son abstinence estoit si grande, qu’on ne s’appercevoit presque pas de quoy il vivoit. Le lustre de ses vertus le fit aymer & admirer de tous les Religieux du Monastere, lesquels le regardoient comme un parfait modelle d’observance & Religion.

IV. Il y avoit, en ce Monastere, un bon Pere, homme vertueux & de grande Sainteté, nommé Wennolé, lequel, admirant la vertu de saint Ethbin, le prît particulièrement en affection. Ce bon Pere alloit souvent, par obedience de son Abbé, dire la Messe à une devote Église de Nostre Dame, distante du Monastere d’une bonne demi-lieuë, &, pour compagnon, prenoit le plus souvent saint Ethbin Un jour, comme ils s’en retournoient de cette Église, ils trouverent, dans un champ par lequel ils passoient, un pauvre homme, tout défiguré de lepre, lequel estoit extrêmément travaillé & se plaignoit fort piteusement ; les Saints, émeus de compassion d’un si triste objet, s’approchèrent de luy & luy demandèrent en quoy ils le pourroient soulager ? « Helas ! (dit-il) mes bons Pères, si quelqu’un me voudroit curer les narrines, qui sont étoupées & m’empeschent la respiration, me soûlageroit extrêmement ; car je suis suffoqué, si on n’y remedie promptement. » Saint Ethbin, entendant cela, s’offrit à luy faire ce service, comme aussi le Pere Wennolé il posa donc à terre le Missel & le Calice qu’il portoit, & prenant ce pauvre ladre à travers le corps, le leva sur bout, & le Pere Wennolé commença à luy curer le nez de sa main.

V. Le Pauvre s’écria « mon Pere, je vous prie de cesser, car vous me causez une douleur insuportable mais, si vous voulez me soulager, appliquez vostre bouche à mon nez & succez le puz & les ordures qui me suffoquent. » Le Pere le fit, sans avoir horreur de telle saleté mais, comme il croyoit avoir attiré la sanie de ce pauvre corps, il trouva avoir en la bouche une belle perle de très-rare couleur, &, en mesme temps, saint Ethbin, qui tenoit ce pauvre par le milieu du corps, vid le Ciel ouvert par dessus luy & une nuée éclatante, dans laquelle il y avoit une belle Croix, qui vint se reposer sur la teste de ce lépreux. Saint Ethbin, voyant cette merveille, s’écria « mon Pere, (1) Monastermm Tauraeum ou Tam’acuse. – A.