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LA VIE DE S. GILDAS.

Ame d’avec son corps, les Anges l’avoient ravie, & estoient tous prests de la placer au Paradis parmy les Saints, mais qu’aussi-tost que S. Gildas l’eut apellée, son Ame s’estoit réûllie à son corps. Le comte de Vennes, revenu à soy comme d’un profond sommeil, remercia S. Gildas, & la comtesse Triphine protesta que jamais elle n’abandonneroit le Saint. Non, ma /t/fc, (dit-il), il seroit messeaiit de voir une fille suivre u/t Mot/ne demeure g avec t-os~’e Z~c/’e jtH~HM a/M’es vos couches, et puis je vous consacreray au service de Dieu en un Monastere de Saintes Vierges. Ce qu’elle fit.

Le Comte Guerok, ayant veu ce grand miracle, pria S. Gildas de demeurer en ses terres & retirer ses Religieux du Monastère de Blavet, de peur que le Comte Comorre ne les y molestast ; le saint y consentit, & receut de Guerok l’ancien Monastère jadis fondé par le Roy Grallon en l’agréable & fertile Isle de Rhuys l’an 399, en faveur du premier Gildas son Chancelier, du temps de Judicaël Evesque de Vennes, lequel, ayant esté ruiné par la fureur des guerres Civiles, fut en peu de temps reparé par notre saint Gildas, auquel le Comte Guerok fournit tout ce qui estoit necessaire pour le rétablissement et entretien de ce saint lieu.

XI. La Comtesse Triphine ayant accouché d’un fils, S. Gildas le fit Baptiser, le tint sur les sacrez Fonds & le nomma Trémoré ou Tremeur, les Bretons l’apellent S. Trever ; &, si-tost qu’elle fut relevée de sa gesine, elle fonda un beau Monastere de Religieuses aux faux-bourgs de Vennes, où elle prit l’habit, et fut voilée par l’Evesque de Vennes, & y persevera saintement au service de Dieu le reste de ses jours. Quant à l’enfant Trémoré, il demeura sous la tutelle du Comte de Vennes jusqu’à l’âge de cinq ans, qu’il fut envoyé en pension au Monastère de Rhuys, car saint Gildas, sçachant combien il importe que les enfans des Seigneurs et Gentils-hommes soient bien instruits dès leur jeunesse, prenoit des pensionnaires en son Monastère, lesquels il instruisoit avec un grand soin, non moins au service de Dieu & devoir de bons Chrestiens, qu’à l’étude des bonnes lettres. Pendant que le saint Abbé vivoit ainsi sainctement en son Mona&tere de Rhuys, la Grande Bretagne, son pais natal, estoit toute embrasée de guerres & dissentions, tant civiles & domestiques qu’externes. Ce que voyant ce Saint, & considevant que c’estoit un fleau de Dieu provoqué par les péchez, tant des Ecclésiastiques que des Princes Seculiers, il mist la main à la plume, &, d’un admirable style & éloquence, écrivit deux traittez remplis d’un esprit plein de zèle et Chrestienne liberté, l’un desquels il addresse au Clergé, intitulé Acris correctio M Clerum. Br<7a/Heum, & l’autre aux Roys & Princes Temporels, dit, De excidio. Br-a-no.rum, esquels il invective contre les vices de ces deux Ordres, & leur monstre, par vives raisons, que leurs pechez ont esté la vraye et unique source de tous ces mal-heurs et calamitez. Ces escrits, portez en l’Isle & semez parmy les factieux, reduisirent plusieurs à la voye de salut, & firent poser les armes bas aux plus échauffez.

XII. Il y avoit en une Paroisse de l’Evesché de Vennes (1) un grand estang, dans lequel la Mer entroit par une etroitte emboucheure, au goulet de laquelle se tenoient à flot les Vaisseaux de certains voleurs, qui détroussoient & battoient les passans de l’un et l’autre bord ; les villageois s’en pleignirent à saint Gildas, lequel, prenant compassion d’eux, pria Dieu qu’il luy pleust délivrer ces pauvres gens de tout ennuy, &, tout à l’instant, la Mer jetta un grand tas ou banc de sable en ce détroit où ces voleurs avoient la coustume de se tenir, qui fit échouer leurs vaisseaux, & les contraignit d’abon donner ce lieu. Il avoit basty un Prieuré sur une Montagne non gueres loin de son Monastere, & y avoit envoyé des Religieux pour y faire le service. Quelque particulier, qui prétendoit le Monastere avoir esté basty en sa terre, inquietoit fort ces Religieux, & troubloit leur ~).) !n plebe S. Demetrii yenetensis dioecesis. A.