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Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/631

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mettre sur l’eau & que Dieu y pourvoiroit : S. Brandan obeït & mit le Breviaire sur l’eau, &, incontinent, le faisceau de goësmon, dont avons parlé, le vint souslever de l’eau & le porta au Saint, sec & sans danger quelconque ; dont les deux Saints rendirent graces à Dieu ; &, ayans passé le reste de la journée là, le soir, s’en retournerent au Monastere.

V. Saint Malo ayant demeuré quelques années en l’escolle de saint Brandan, ses parens le voulurent rappeller à la maison ; mais luy, qui desiroit s’adonner entierement au service de Dieu, & s’offrir en holocauste sans aucune reserve, leur dit qu’il ne quitteroit jamais le Monastere ; &, comme, un jour, S. Brandan luy en parloit en discours fort familiers, alors il luy repliqua, en pleurant : «  Helas ! (mon maistre), vous souvient-il pas que, dernièrement, dans nostre Église on lisoit ces paroles de l’Evangile : Ne veüillez vous nommer des peres et meres sur la terre, etc. Comment donc voudriez-vous que, quittant le service de mon Pere Celeste, je coure aprés mes parens charnels ? » S. Brandan entendit assez le reste, & dit à ses parens qu’en vain ils tâchoient à le rappeller ; qu’il estoit resolu de vivre & mourir au service de Dieu. Encore que ses parens eussent fort desiré l’avancer aux honneurs & dignitez & le laisser heritier de leurs grands biens, de peur, toutefois, de resister au Saint Esprit qui l’inspiroit, ils le laisserent faire ce qu’il luy plairoit, & ne le molesterent plus de ce costé-là. Voyant cét empeschement osté, il postula humblement l’habit au même Monastere, lequel il receut de la main de son parrain & maistre S. Brandan, avec une extrême joye & contentement de son Ame. Se voyant parvenu à ce qu’il avoit tant desiré, il montra qu’avec l’habit Monachal il avoit pareillement vétu Jesus-Christ (selon le dire de l’Apostre) : ce qu’il témoigna, depuis, par ses œuvres : car il commença à mener une vie si sainte, qu’il ravissoit tous ses confreres en admiration de sa Sainteté, se maintenant, avec cela, en une si profonde humilité, qu’il s’estimoit le plus imparfait du Monastere, & indigne de cette compagnie Religieuse (2). Il s’en trouva, toutefois, en ce, Monastere, à qui ses rares vertus & l’éclat de sa Sainteté éblouïrent les yeux trop chassieux, de sorte que, poussez d’une envie malicieuse, ils se resolurent de luy joüer quelque tour (il n’y a compagnie si sainte où ne se puisse trouver quelque méchant, en celle de Jesus-Christ mesme, au sacré College des Apostres, un Judas s’est rencontré). Ces malicieux donc observerent une semaine que S. Malo devoit, à son tour, éveiller les Religieux & leur donner du feu en leurs lampes pour aller à Matines ; ils prinrent cette occasion, &, le soir, après que tous les freres se furent retirez, ils éteignirent leurs lampes, tant du dortoir que de l’Église, se promettans que S. Malo, ne pouvant trouver du feu assez à temps pour porter à l’Abbé & aux autres Moynes, subiroit quelque discipline ; mais il en alla tout autrement qu’ils n’avoient projecté, car, n’ayant trouvé du feu à la lampe du Dortoir, il alla au foyer commun, où il trouva quelques uns de ces méchans Religieux, qui luy dénierent du feu & luy baillerent, par derision, des charbons éteins : le Saint, sans se troubler aucunement, prit ces charbons, &, n’ayans où commodément les porter, il les mit en son sein & les porta en la Cellule de l’Abbé, où ils se trouverent ardents & embrasez, sans que sa chair, ny ses habits en fussent aucunement offensez. Il voulut presenter du feu à l’Abbé ; mais il n’en étoit plus de besoin ; car ayant esté retardé en l’exécution de son office par la malice de ses propres freres,