Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/633

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VII. Estans arrivez en leur Monastere, ils n’y trouverent plus ces faux freres, & S. Malo n’y eut gueres esté, que l’Evesque de Guic-Kastel estant decedé, il fut, à la requeste de tout le peuplent instalé en sa place & consacré Evesque, quelque refus qu’il eut pû faire (4) ; néanmoins, il resolut de quitter le pays & s’enfuir par mer, sans dire mot de son dessein à personne ; ce que son pere ayant entendu, il fit crier par tous les havres du pays, que personne n’eust à le recevoir dans son vaisseau, ny le passer delà la mer, sur peine de la vie. Nonobstant cette deffense, saint Malo se présenta sur le port pour devoir s’embarquer ; mais personne ne le voulant recevoir dans son vaisseau, N. Seigneur, qui le guidoit, luy envoya un Ange, en forme d’un beau jouvenceau, lequel le pria de monter en son batteau, & qu’il le rendroit delà la mer, en l’isle du saint Hermite Aaron. Il ne voulut pas refuser cette commodité, mais s’embarqua et passa la mer Britannique & vint se rendre à la côte de nostre Bretagne, en l’isle où est à present bastie la ville de Saint-Malo, laquelle s’appelloit alors l’Isle d’Aaron, à cause de saint Aaron qui y vivoit solitairement. Saint Malo descendit du batteau & remercia son nocher, lequel, avec son batteau & tout son équipage, disparut, donnant à connoître qui il estoit ; dont S. Malo rendit graces à Dieu, & monta du rivage dans l’isle, où le saint Hermite Aaron (averti par un Ange de son arrivée) luy vint au devant, au lieu où à present est la Chapelle dudit S. Aaron, l’embrassa affecteusement & le logea en son Hermitage. Mais S. Malo n’estant pas envoyé de Dieu en ces contrées pour se reposer, mais pour travailler à la conqueste spirituelle des Ames (5), prit congé de saint Aaron & passa en terre ferme, & vint en la ville d’Aleth, laquelle estoit bâtie à l’embouchure de la riviere de Rance, au lieu où, encore à present, on voit les mazures des murs & quelques antiquailles & autres vieilles remarques & edifices de ladite ville d’Aleth & le chasteau de Solidor. Saint Malo entra dans la ville d’Aleth, la Vigile de Pâques, l’an de salut cinq cens trente & huit, &, le lendemain, il dit la Messe en l’Église de Saint-Pierre (6) & ensuite il prescha, &, descendant de la Chaire, il approcha d’un corps mort, qui attendoit la sepulture, &, ayant fait sa priere, il le ressuscita & luy presenta de l’eau à boire dans un vase de marbre, sur lequel ayant fait le signe de la Croix, le marbre fut converty en cristal & l’eau en vin. Ces trois miracles, que Dieu fit par les merites de S. Malo, le mirent tellement en credit vers les Seigneurs du pays & le peuple, qu’ils luy edifierent un Monastere prés la ville, où il amassa grand nombre de Religieux ; & un Seigneur du pays, suscité du diable, ayant voulu razer son Monastere, devint aveugle ; mais s’en estant repenty & ayant demandé pardon à Dieu & au Saint, il luy frotta les yeux d’Huile sainte & d’eau beniste, & ainsi il recouvra la veuë, & resta, depuis, fort affectionné à S. Malo, &, en sa consideration, fit de grands biens à son Monastere & procura envers le Roy de Bretagne Hoël II. du nom que S. Malo fut consacré Evesque d’Aleth ; ce qui fut fait environ l’an 541, sous le Pape Vigilius & l’Empereur Justinian.

VIII. Se voyant de rechef, contre son gré, élevé à la dignité Episcopale, il mit à bon escient la main à l’œuvre, veillant, jour & nuit, sur son troupeau ; il visitoit personnellement les Paroisses de son Diocese & les pourvoyoit de bons Ecclesiastiques, preschoit ses Diocesains, reformoit les abus, crioit hautement contre les vices, sans épargner grand, ny petit, se montrant vray Pere aux gens de bien & severe censeur des méchans. La liberté & zele avec lesquels, librement & sans crainte, il reprenoit ceux qu’il voyoit