Page:Le Grand Albert - La Vie des Saints.djvu/708

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA VIE DE S. TUGDUVAL.

On ajouste que toutes les images anciennes qu’on trouve de luy le représentent en habit de Pape et à ce qu’il ne se trouve au catalogue des Papes, au sixiéme siècle, on pourroit dire que la ville de Rome ayant esté tant de fois prise, pillée & brûlée par les Barbares, les noms de quelques Papes pourroient avoir esté obmis ou oubliez. Quant à moy, je ne m’arresteray à disputer l’affirmative ny la négative, mais me contenteray, ayant produit les raisons de part & d’autre, d’en laisser la décision au lecteur judicieux, pour entrer au récit de sa vie, & dire que

I. SAIXT Tccduval estoit natif de la Grande Bretagne. L’Histoire de sa vie ne nomme pas son père, mais bien sa mère, qui estoit Dame de grande maison, sœur de Rivallon Murmaczon, qui, ayant quitté la grande Bretagne, se vint habiter en la basse Bretagne, & donna origine aux Roys & Royaume Dononéen (1) elle s’appelloit Pompses ; ils l’appellent communément sainte Copaja, & est enterrée au Chœur de la Paroisse de Land-Coat, prés la Roche-Derien (2). Ses parens furent soigneux de le bien instruire & élever ; & ayant fait ses estudes, ils l’envoyèrent aux bonnes compagnies, avec d’autres jeunes Seigneurs de sa qualité, où S. Tugduval se comportoit avec tant de retenue, que tous les autres jettoient les yeux sur luy, comme sur un modelle & parfait exemplaire de vertu. Estant plus âgé, il se résolut de se donner à Dieu ; &, quitter les vaines esperances de ce monde, il prit la Soutane & robe Clericale, se rendit assidu à l’Office de l’Église, & vacquoit à l’Oraison, donnoit l’aumône, assistoit les necessiteux & s’exerçoit és œuvres de charité ; enfin, ne voulant quitter le monde à demy, il se retira dans un Monastere, où, après avoir quelque temps postulé l’habit, il fut receu Religieux.

II. Ce jeune Novice fut attaqué rudement de l’ennemy, lequel ne luy donnoit repos ny nuit ny jour ; luy, pour se conserver, se mattoit & affligeoit de jeûnes, veilles & abstinences continuelles & d’une continuelle Oraison son manger estoit un peu de pain sec & quelques legumes ; son boire, de l’eau claire ; son lit le plancher son ordinaire entretien, l’Oraison continuelle. Le bruit de sa vie exemplaire & rare sainteté, ne se pouvant contenir dans le pourpris de son Monastere, se repandit aux environs, de sorte que le peuple commença à le fréquenter, les uns, pour recevoir de bons avis & conseils, & d’autres pour se recommander à ses prières, & plusieurs, ayans de fascheuses maladies, pour recevoir la santé, à tous lesquels il satisfaisoit. L’abbé de son Monastere estant decedé, il fut subrogé en sa place, quoy que contre sa volonté, sa profonde humilité luy faisant croire qu’il estoit indigne de cette Dignité mais il ne l’eut gueres exercée, qu’il ne fit paroistre que son choix & élection avoit esté plus par inspiration divine qu’autrement, car il gouverna avec tant de prudence, vigilance & sainteté son Monastere, que tous ses Religieux se reputoient bienheureux d’estre sous la charge d’un si bon & vigilant Pere.

III. Mais leur joye ne dura pas long-temps ; car, une nuit, après Matines, tous les Religieux s’estans retirez chacun en sa Cellule, un Ange luy apparut & luy dit « Tugduval, Dieu te commande de quitter la grande Bretagne, ta patrie, & te transporter (1) M. do la Borderie regarde ces indications comme exactes Riwal, chef d’un groupe très considérable d’émigrés, aurait bien été le premier roi de Domnonée et aurait eu pour sœur la mère de saint Tugdual. C’est sous le règne de Déroch, fils de ce prince (520-535), que notre saint Tugdual aborda en Armorique ; sa parenté avec le souverain du pays dut contribuer à son influence et encourager son activité*. – A.-M. T.

(2) « Son tombeau était autrefois au milieu du chœur de cette église dont elle est la patronne. Cette église ayant été reconstruite vers 1782, le tombeau se trouve actuellement au haut de la nef, du côté de l’évangile, et occupe l’espace qui est entre les deux piliers. Il est élevé de trois pieds environ au-dessus du sol, et orne d’un bas-relief, représentant la sainte dans un navire, accompagnée de plusieurs religieux. Sa statue est couchée sous le tombeau, et, au-dessus, on voit une châsse de bois pemt et doré contenant ses reliques. Un acte authentique porte qu’elles ont été vérifiées en 1750. » (M. de Kerdanet.)