LA VIE DE S. JAOUA.
XI. Saint Paul, ayant mis ordre à toutes les affaires au Faou, s’en retourna en Léon, traisnant après soy le Dragon, & estant arrivé en un petit bois qui est entre les Paroisses de La-d-peto~ & Cu/c-mi/KïH, deux hommes le vinrent trouver de la part des habitans du Faou & l’avertir que ce n’estoit rien fait, s’il n’exterminoit aussi un petit faon que le serpent avoit laissé en sa tanière, lequel, estant déjà grandelet, menaçoit le pais circonvoisin de pareilles misères. Lors S. Paul délia le Dragon & luy commanda, de la part de Dieu, qu’il allast querir son faon & le luy amener en ce lieu, luy défendant très-estroitement de faire mal à personne le Serpent obeït, & ce lieu, en mémoire de cecy, se nomme encore aujourd’huy Coaf-ar-~a/’pan~. De là, il mena ces deux Dragons en l’Isle de Baaz, où estoit son principal Monastere, &, les ayant conduits en un lieu désert & ecarté, mist un baston en terre, auquel il les attacha, leur défendant de sortir de là & de mal faire à personne ; ce qu’ils observèrent jusqu’à ce que, deffaillans peu à peu faute de nourriture, moururent & furent jettcz dans la Mer ; & de ce grand miracle que fit S. Paul, donnant un simple baston pour barrière à deux bestes si furieuses, cette Isle fut nommée en Breton Enes-Baz, l’Isle du baston, située dans la Mer, au devant du bourg de. Roscow.
XII. Le Monastere de Daoulas estant accomply(1), S. Jaoua y amassa grand nombre de Religieux, avec lesquels, il y menoit une vie sainte & parfaite à quoy le diable, portant envie, qui se voyoit chassé de ce pays par le Saint & ses compagnons, lesquels infatigablement preschoient la parole de vie à ces peuples, il suscita quelques garnemens contre le Saint, lesquels l’inquiètèrent tellement, que, ne trouvant repos ny patience là, il resigna sa Recteurie de Brasparz & son Abbaye de Daoulas à Tusveanus (2), fils d’Arastagn &, luy ayant donné plusieurs bons advis pour le gouvernement de ses Moynes & Paroissiens, prit congé de ses Religieux & se retira en Léon, vers S. Paul son Oncle, lequel, estant vieux & cassé, fut grandement rejoüy de sa venuë, & le retint, deux ans, prés de soy, le fit Chanoine de son Église Cathédrale & se servit de luy comme de Coadjuteur en sa charge Pastorale, & enfin, épris du désir de vivre en solitude, se résolut de quitter son Evesché & s’en démettre à son neveu S. Jaoua.
XIII. Il proposa son dessein à ses Chanoines, qui l’aprouverent, & fut saint Jaoua receu pour Evesque de Léon, & alla à Dol pour estre consacré par saint Samson, Archevesque de cette ville & Metropolitain de Bretagne (3). Saint Paul s’estant retiré en son Monastere de Baaz, saint Jaoua appela saint Kenan prés de soy, le fit Prestre & Chanoine de sa Cathedrale, puis luy donna la Paroisse de P/oH/ferneatu, où il fit beaucoup de fruit. Pendant que saint Jaoua gouvernoit en toute sainteté et vigilence son Diocese, ceux de Cornouaille, qui l’avoient, par leur malice, contraint de quitter son Monastere (1) On dit que l’abbaye de Daoulas fut fondée par Guiomarc’h, vicomte de Léon, en expiation du meurtre de son oncle Hamon évêque de Léon et qu’il y mit des chanoines réguliers de l’ordre de saint Augustin. Cette fondation fut approuvée en 1173 par Geoffroy évêque de Quimper. Un château préexistant et appartenant au vicomte aurait été par lui transformé en communauté.
Nous n’y contredisons nullement, mais co’fait ne prouve point qu’il n’y ait pas eu là autrefois un important établissement religieux. Longtemps avant l’époque d’Alain Canihart et de saint Gurloès, à l’endroit même où ce prince et cet abbé érigèrent l’abbaye de Quimperlé, saint Gunthiern avait fondé le monastère d’Anaurot. Pourquoi ne pas admettre que le monastère de saint Jaoua a pu précéder celui du XH’ siècle, comme celui d’Anaurot a précédé Sainte-Croix, comme celui du Relecq fondé à la même époque a pu remplacer le vieux monastère de Gerber dont saint Tanguy aurait été le premier abbé. Il était même naturel que les fondateurs fissent revivre les anciens monastères ruinés par les Normands mais dont le souvenir subsistait, plutôt que de créer des monastères sans tradition dans le passé. A.-M. T.
(2) Je suis très porté à croire que ce Ï’ ;Mc<’an ;M n’est autre que saint Tujan si vénéré en sa belle chapelle de Primelin dans le Cap-Sizun. Je me base sur ce fait que le patron de Brasparts est précisément saint Tujan. A.-M. T. (3) Albert Le Grand tenant absolument à ce que saint Samson ait été métropolitain de Bretagne, suppose que ses prétendus suffragants ont été sacrés par lui, mais comme les évêques de Dol n’ont nullement porté ce titre-là avant Nominoé, on ne sait pas pourquoi saint Pol n’aurait pas donné lui-même la consécration épiscopale à son neveu et successeurs. A.-M. T.
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