Page:Le Grand Meaulnes.djvu/123

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vu et entendu, plein de fatigue et le cœur gros, le jeune homme lui aussi s’abandonna au sommeil, comme un enfant triste…


…Ce n’était pas encore le petit jour lorsque, la voiture s’étant arrêtée sur la route, Meaulnes fut réveillé par quelqu’un qui cognait à la vitre. Le conducteur ouvrit péniblement la portière et cria, tandis que le vent froid de la nuit glaçait l’écolier jusqu’aux os :

— Il va falloir descendre ici. Le jour se lève. Nous allons prendre la traverse. Vous êtes tout près de Sainte-Agathe.

À demi replié, Meaulnes obéit, chercha vaguement, d’un geste inconscient, sa casquette, qui avait roulé sous les pieds des deux enfants endormis, dans le coin le plus sombre de la voiture, puis il sortit en se baissant.

— Allons, au revoir, dit l’homme en remontant sur son siège. Vous n’avez plus que six kilomètres à faire. Tenez, la borne est là, au bord du chemin.

Meaulnes, qui ne s’était pas encore arraché de son sommeil, marcha courbé en avant, d’un pas lourd, jusqu’à la borne et s’y assit, les bras croisés, la tête inclinée, comme pour se rendormir.

— Ah ! non, cria le voiturier. Il ne faut pas vous endormir là. Il fait trop froid. Allons, debout, marchez un peu…

Vacillant comme un homme ivre, le grand