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Page:Le Grand Meaulnes.djvu/155

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Toute sa fièvre, tout son enjouement étaient tombés soudain. Un instant, il plongea dans ce même désespoir où sans doute, un jour, l’idée de se tuer l’avait surpris.

— Soyez mes amis, dit-il soudain. Voyez : je connais votre secret et je l’ai défendu contre tous. Je puis vous remettre sur la trace que vous avez perdue…

Et il ajouta presque solennellement :

— Soyez mes amis pour le jour où je serais encore à deux doigts de l’enfer comme une fois déjà… Jurez-moi que vous répondrez quand je vous appellerai — quand je vous appellerai ainsi… (et il poussa une sorte de cri étrange : Hou-ou !…) Vous, Meaulnes, jurez d’abord !

Et nous jurâmes, car, enfants que nous étions, tout ce qui était plus solennel et plus sérieux que nature nous séduisait.

— En retour, dit-il, voici maintenant tout ce que je puis vous dire : je vous indiquerai la maison de Paris où la jeune fille du château avait l’habitude de passer les fêtes : Pâques et la Pentecôte, le mois de juin et quelquefois une partie de l’hiver.

À ce moment une voix inconnue appela du grand portail, à plusieurs reprises, dans la nuit. Nous devinâmes que c’était Ganache, le bohémien, qui n’osait pas ou ne savait comment traverser la cour. D’une voix pressante, anxieuse, il appelait tantôt très haut, tantôt presque bas :

— Hou-ou ! Hou-ou !