Page:Le Grand Meaulnes.djvu/178

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poussière d’un banc vermoulu, et sur le vernis écaillé d’un planisphère.

Comment rester là, devant un livre, à ruminer notre déception, tandis que tout nous appelait au-dehors : les poursuites des oiseaux dans les branches près des fenêtres, la fuite des autres élèves vers les prés et les bois, et surtout le fiévreux désir d’essayer au plus vite l’itinéraire incomplet vérifié par le bohémien — dernière ressource de notre sac presque vide, dernière clef du trousseau, après avoir essayé toutes les autres ?… Cela était au-dessus de nos forces ! Meaulnes marchait de long en large, allait auprès des fenêtres, regardait dans le jardin, puis revenait et regardait vers le bourg, comme s’il eût attendu quelqu’un qui ne viendrait certainement pas.

— J’ai l’idée, me dit-il enfin, j’ai l’idée que ce n’est peut-être pas aussi loin que nous l’imaginons…

» Frantz a supprimé sur mon plan toute une portion de la route que j’avais indiquée.

» Cela veut dire, peut-être, que la jument a fait, pendant mon sommeil, un long détour inutile…

J’étais à moitié assis sur le coin d’une grande table, un pied par terre, l’autre ballant, l’air découragé et désœuvré, la tête basse.

— Pourtant, dis-je, au retour, dans la berline, ton voyage a duré toute la nuit.

— Nous étions partis à minuit, répondit-il