Page:Le Grand Meaulnes.djvu/278

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que je lui parle, qu’il me pardonne et que je répare tout… Autrement je ne peux plus me présenter là-bas…

Et il se tourna vers la maison des Sablonnières.

— Ainsi, dis-je, pour une promesse enfantine que tu lui as faite, tu es en train de détruire ton bonheur.

— Ah ! si ce n’était que cette promesse, fit-il. Et ainsi je connus qu’autre chose liait les deux jeunes hommes, mais sans pouvoir deviner quoi.

— En tout cas, dis-je, il n’est plus temps de courir. Ils sont maintenant en route pour l’Allemagne.

Il allait répondre, lorsqu’une figure échevelée, déchirée, hagarde, se dressa entre nous. C’était Mlle de Galais. Elle avait dû courir, car elle avait le visage baigné de sueur. Elle avait dû tomber et se blesser, car elle avait le front écorché au-dessus de l’œil droit et du sang figé dans les cheveux.

Il m’est arrivé, dans les quartiers pauvres de Paris, de voir soudain, descendu dans la rue, séparé par des agents intervenus dans la bataille, un ménage qu’on croyait heureux, uni, honnête. Le scandale a éclaté tout d’un coup, n’importe quand, à l’instant de se mettre à table, le dimanche avant de sortir, au moment de souhaiter la fête du petit garçon… — et maintenant tout est oublié, saccagé. L’homme et la femme, au milieu du tumulte, ne sont plus que deux démons