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Page:Le Grand Meaulnes.djvu/283

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Il y avait une supplication dans ses yeux, et je me gardai d’en demander davantage.

Souvent, je revins la voir. Souvent je causai avec elle auprès du feu, dans ce salon bas où la nuit venait plus vite que partout ailleurs. Jamais elle ne parlait d’elle-même ni de sa peine cachée. Mais elle ne se lassait pas de me faire conter par le détail notre existence d’écoliers de Sainte-Agathe.

Elle écoutait gravement, tendrement, avec un intérêt quasi maternel, le récit de nos misères de grands enfants. Elle ne paraissait jamais surprise, pas même de nos enfantillages les plus audacieux, les plus dangereux. Cette tendresse attentive qu’elle tenait de M. de Galais, les aventures déplorables de son frère ne l’avaient point lassée. Le seul regret que lui inspirât le passé, c’était, je pense, de n’avoir point encore été pour son frère une confidente assez intime, puisque, au moment de sa grande débâcle, il n’avait rien osé lui dire non plus qu’à personne et s’était jugé perdu sans recours. Et c’était là, quand j’y songe, une lourde tâche qu’avait assumée la jeune femme, — tâche périlleuse, de seconder un esprit follement chimérique comme son frère ; — tâche écrasante, quand il s’agissait de lier partie avec ce cœur aventureux qu’était mon ami le grand Meaulnes.


De cette foi qu’elle gardait dans les rêves enfantins de son frère, de ce soin qu’elle appor-