Page:Le Grand Meaulnes.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

me dire que « la jeune dame des Sablonnières était morte hier à la tombée de la nuit ».

Tout se mêle pour moi, tout se confond dans cette douleur. Il me semble maintenant que jamais plus je n’aurai le courage de recommencer la classe. Rien que traverser la cour aride de l’école c’est une fatigue qui va me briser les genoux. Tout est pénible, tout est amer puisqu’elle est morte. Le monde est vide, les vacances sont finies. Finies, les longues courses perdues en voiture ; finie, la fête mystérieuse… Tout redevient la peine que c’était.

J’ai dit aux enfants qu’il n’y aurait pas de classe ce matin. Ils s’en vont, par petits groupes, porter cette nouvelle aux autres à travers la campagne. Quant à moi, je prends mon chapeau noir, une jaquette bordée que j’ai, et je m’en vais misérablement vers les Sablonnières…

… Me voici devant la maison que nous avions tant cherchée il y a trois ans ! C’est dans cette maison qu’Yvonne de Galais, la femme d’Augustin Meaulnes, est morte hier soir. Un étranger la prendrait pour une chapelle, tant il s’est fait de silence depuis hier dans ce lieu désolé.

Voilà donc ce que nous réservait ce beau matin de rentrée, ce perfide soleil d’automne qui glisse sous les branches. Comment lutterais-je contre cette affreuse révolte, cette suffocante montée de larmes ! Nous avions retrouvé la belle jeune fille. Nous l’avions conquise. Elle était la femme de mon compagnon et moi je l’aimais