Page:Le Grand Meaulnes.djvu/39

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Un pied sur le devant, dressé comme un conducteur de char romain, secouant à deux mains les guides, il lance sa bête à fond de train et disparaît en un instant de l’autre côté de la montée. Sur le chemin, l’homme qui appelait s’est repris à courir ; l’autre s’est lancé au galop à travers champs et semble venir vers nous.

En quelques minutes, et au moment même où M. Seurel, quittant le tableau, se frotte les mains pour en enlever la craie, au moment où trois voix à la fois crient du fond de la classe :

— Monsieur ! Le grand Meaulnes est parti !

l’homme en blouse bleue est à la porte, qu’il ouvre soudain toute grande, et, levant son chapeau, il demande sur le seuil :

— Excusez-moi, monsieur, c’est-il vous qui avez autorisé cet élève à demander la voiture pour aller à Vierzon chercher vos parents ? Il nous est venu des soupçons…

— Mais pas du tout ! répond M. Seurel.

Et aussitôt c’est dans la classe un désarroi effroyable. Les trois premiers, près de la sortie, ordinairement chargés de pourchasser à coups de pierres les chèvres ou les porcs qui viennent brouter dans la cour les corbeilles d’argent, se sont précipités à la porte. Au violent piétinement de leurs sabots ferrés sur les dalles de l’école a succédé, dehors, le bruit étouffé de leurs pas précipités qui mâchent le sable de la cour et dérapent au virage de la petite grille ouverte sur la route. Tout le reste de la classe s’entasse aux