Page:Le Grand Meaulnes.djvu/84

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— Ne fais pas de bruit, disait l’un.

— Ah ! répondait l’autre, il est toujours bien temps qu’il s’éveille !

— As-tu garni sa chambre ?

— Mais oui, comme celles des autres.

Le vent fit battre la fenêtre ouverte.

— Tiens, dit le premier, tu n’as pas même fermé la fenêtre. Le vent a déjà éteint une des lanternes. Il va falloir la rallumer.

— Bah ! répondit l’autre, pris d’une paresse et d’un découragement soudains. À quoi bon ces illuminations du côté de la campagne, du côté du désert, autant dire ? Il n’y a personne pour les voir.

— Personne ? Mais il arrivera encore des gens pendant une partie de la nuit. Là-bas, sur la route, dans leurs voitures, ils seront bien contents d’apercevoir nos lumières !

Meaulnes entendit craquer une allumette. Celui qui avait parlé le dernier, et qui paraissait être le chef, reprit d’une voix traînante, à la façon d’un fossoyeur de Shakespeare :

— Tu mets des lanternes vertes à la chambre de Wellington. T’en mettrais aussi bien des rouges… Tu ne t’y connais pas plus que moi !

Un silence.

» … Wellington, c’était un Américain ? Eh bien ! C’est-il une couleur américaine, le vert ? Toi, le comédien qui as voyagé, tu devrais savoir ça.

— Oh ! là là ! répondit le « comédien », voyagé ?