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  sur mahomet. xi

inutiles en temps de disette, le brigandage et la rapine s’alliant souvent à l’hospitalité et à un dehors de générosité ; tels étaient les passions et les usages des Arabes du temps de Mahomet. À cette époque rien n’entraînait la société arabe ainsi constituée à une action au dehors. Dans de tels moments de calme, la société a plus de loisir pour se replier sur elle-même ; le christianisme et le judaïsme comptaient peu de prosélytes, mais ils se produisaient librement et se discutaient précisément à la faveur de l’indifférence religieuse ou du scepticisme qui y était plus répandu qu’on ne le pense. C’est de ce travail intérieur d’une société païenne qu’a pu naître le pressentiment d’une transformation prochaine que quelques auteurs signalent du temps de Mahomet, mais qui ne nous semble ni particulier à cette époque, ni suffisamment prouvé. Mahomet ne fut pas seul frappé de l’état moral déplorable des Arabes ; mais il fut le seul qui se sentit la résolution et surtout la vocation d’y apporter un changement. Si l’on s’en rapporte à la tradition puisée dans son propre récit, cette résolution se révéla en lui comme un trait soudain de lumière. Sérieux et porté naturellement à la méditation, il errait souvent dans les ravins voisins de la Mecque, dominé déjà sans doute par l’idée que Dieu lui parlerait du sein d’une montagne, comme à Moïse, dont il avait entendu parler pendant son voyage en Syrie, ou dans ses entretiens avec les juifs et les chrétiens, ou avec un Arabe versé dans les Écritures, Waraka, fils de Nowfal, cousin de Khadidja[1]. Jusque-là il pouvait être de bonne foi.

Il avait l’habitude de passer dans la retraite le mois de ramadhan sur la montagne de Hira, voisine de la Mecque. Une nuit (ce fut en décembre ou en janvier de l’an 611 de J.-C.), Khadidja, ne le trouvant pas à côté d’elle, envoya des domestiques à sa recherche. Mahomet revint cependant et lui raconta ceci : « Je dormais profondément, lorsqu’un ange m’apparut en songe, il tenait à la main une pièce d’étoffe de soie couverte de caractères d’écriture ; il me la présenta en disant : Lis. Que lirai-je ? Lui demandai-je. Il m’enveloppa de cette étoffe et répéta : Lis. Je répétai ma demande : Que lirai-je ? Il répondit : Lis : Au nom du Dieu qui a créé toute chose, a créé l’homme de sang coagulé, lis, par le nom de ton Seigneur qui est généreux, c’est lui qui a enseigné l’Écriture, il a appris à l’homme ce qu’il ne savait pas[2]. Je prononçai ces mots après l’ange, et il s’éloigna ; je m’éveillai, et je sortis pour aller sur le penchant de la montagne. Là j’entendis au-dessus de ma tête une voix qui disait : Ô Mohammed, tu es l’envoyé de Dieu et je suis Gabriel. Je levai les yeux et j’aperçus l’ange ; je demeurai


  1. Waraka passe pour avoir traduit en arabe une partie des Évangiles.
  2. Ces mots se trouvent au commencement du chapitre XCVI. Les versets qui suivent n’ont aucun rapport avec cette première révélation.