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  sur mahomet. xxv

L’année suivante, 10e de l’hégire (631 de J.-C.), le nombre de conversions et de soumissions ne fit que s’accroître ; restreintes jusqu’ici au Hedjaz et aux contrées du nord de l’Arabie, elles s’étendirent alors aux provinces méridionales et à celles de l’est ; c’est ainsi que le Hadramaut, l’Yémen et le Nedjd reconnurent le culte d’un seul Dieu et en même temps la mission prophétique de Mahomet, et il est à remarquer que le prophète des Arabes ne se contentait pas de la profession du culte unitaire, s’il n’avait pas pour corollaire la reconnaissance de sa mission. Il n’y a pas d’autre dieu que Dieu (Allah) et Mahomet est l’envoyé de Dieu ; c’était la formule consacrée, les deux témoignages (chehadeteïn) indispensables pour être regardé comme musulman, mouslim (homme résigné à la volonté de Dieu).

L’œuvre de Mahomet était enfin accomplie, après vingt ans d’efforts persévérants dont la première moitié ne semblait promettre que des mécomptes, et ne lui avait valu que des railleries, des insultes et la haine. Pour consacrer le succès de son œuvre, Mahomet annonça, dans la dixième année de l’hégire, son intention de faire un pèlerinage solennel à la Mecque, et aussitôt de tous les côtés de l’Arabie on accourut à Médine pour l’accompagner dans cet acte de dévotion traditionnelle ; le cortège se montait selon les uns à quatre-vingt-dix mille, selon d’autres à cent quatorze mille hommes. Arrivé à la Mecque, il accomplit toutes les cérémonies consacrées par l’usage, dit la prière et se rendit le lendemain au mont Arafat, où il prononça une allocution qui fut ensuite répétée par un Koreïchite doué d’une voix retentissante, afin que la multitude rassemblée sur le penchant de la colline pût l’entendre. Cette allocution, que la tradition a conservée, résumait les principaux préceptes contenus dans le Koran ; elle inculquait la justice, l’humanité, la bienveillance, la fraternité entre tous les musulmans, les bons procédés envers les femmes, la probité dans les relations de la vie civile ; elle condamnait l’embolisme[1]. « Je vous laisse, disait enfin Mahomet, une loi qui vous préservera de l’erreur, une loi claire et positive, un livre envoyé d’en haut. » Il termina en criant : « Ô mon Dieu ! ai-je rempli ma mission ? » Et toutes les voix répondirent : « Oui, tu l’as remplie. »

Le lendemain, jour des sacrifices, Mahomet immola de sa main soixante-trois chameaux et donna la liberté à soixante-trois esclaves. Ce nombre étant précisément égal aux années de son âge, compté en mois lunaires dont il venait de recommander la conservation. Il se fit ensuite raser la tête (car pendant le pèlerinage il n’est pas permis de se raser la tête ni de se couper les ongles) ; les personnes les plus rapprochées se partageaient les cheveux coupés. Le pèlerinage dont nous venons de parler s’appelle le


  1. Ou l’intercalation des jours pour corriger les mois lunaires.