Page:Le Littré de la Grand'Côte, éd. 1903.pdf/167

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n’a pas le droit moral de faire passer à des étrangers le bien qu’on a reçu de sa famille. Quant au capital que l’on a gagné de son travail ou reçu d’ailleurs on est libre d’en disposer à son gré. Cette ligne de conduite me semble tracée par un grand sens moral.

ÊTRE. — Être à l’étiquette, Agir avec des formes cérémonieuses.

ÉTRENNE, s. f. — Pourboire. N’est pas aux dictionnaires dans ce sens. Pends-toi, Molard, tu as oublié celui-là ! Quoique ça, vous pouvez dire à un cocher : Voici une étrenne, il ne la refusera pas parce que vous n’aurez pas parlé français. Nous disons plus clairement et plus simplement : « Tiens, Collignon, pour boire pot ! »

ÉTR… (parlant mille fois par respect). — Eh ben, t’as vu la mariée. Est-elle jolie ? Comme un étr… en fleur. Cette image poétique n’est pas la propriété exclusive des Lyonnais. Dans une pièce dauphinoise qui date du xvie siècle, le Banquet des Fées ou la Physionomie du jaloux, le Jaloux est qualifié d’eitron fluri.

Briller comme un étr… dans une lanterne, Un de mes cousins, au collège, était un vrai cancre. Un jour le professeur, d’un ton solennel comme celui de Bossuet dans ses Oraisons funèbres, lui dit : Vous brillerez dans le monde, Monsieur B… ! vous brillerez comme un étr… flamand dans une lanterne sourde ! (historique).

Étr… de Limousin (expression ignoble à faire rendre gorge !) pour dire que le de cujus est d’un volume énorme.

ÉVENTAIL. — Éventail à bourrique. Voy. bourrique.

ÉVITER. — Je vous en éviterai la peine, pour « Je vous en épargnerai la peine. » L’expression éviter à se trouve dans de bons auteurs, notamment dans Buffon, et dans la conversation elle est universelle. Pourtant je ne diffère pas que cette façon de parler n’est pas absolument correcte.

EXCUSE. — Je vous demande excuse pour « Je vous demande pardon » n’est pas tout à fait orthodoxe, quoique les grands auteurs du xviie siècle l’aient employé. Notre formule ordinaire est d’ailleurs Faites excuse ; expression venue naturellement sous l’idée de l’identité supposée de faire excuse et d’excuser, comme faire pardon, s’il était français, serait identique à pardonner, faire promenade à promener, etc. Le peuple est souvent logique dans ses incorrections.

J’ai eu le plaisir de rencontrer cette locution dans Michelet (la Sorcière, in-12, Dentu, p. 877) : … lui demande excuse.

Faire excuse se trouve dans nos meilleurs écrivains classiques, notamment dans Pascal : Lettres provinciales.

EXPOSITION, s. f. — Action de s’exposer. Une bonne femme de ma connaissance disait à son mari, garde national en 1870 : Ma coque, si tu vas te battre, prends bien garde de ne pas te mettre à l’exposition !

EXPRÈS. — Ne dites pas par exprès, recommande Molard. Il a raison : Dites À l’esqueprès.

Par exprès est l’ancienne locution usitée au xvie siècle et conservée à Lyon. (M. D.)

EXTRAIT. — Extrait de baptême. Cette expression si naturelle est cependant un provincialisme. Un ménage venu du Nord avait monté une épicerie sur la paroisse des Chartreux. On envoyait le petit au catéchisme. Venu le moment de la première communion, M. le curé Pater dit au petit d’apporter son extrait de baptême. Les parents n’avaient jamais entendu le nom de cette marchandise. Après avoir longtemps cherché à deviner ce que ce pouvait être, le père décida que ce devait être de l’extrait de térébenthine, et le gone, le lendemain, en porta une bouteille au curé (historique).