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faire et disposer comme de leur propre chose… » — Ce texte justifie complètement l’étymologie marrain, de materiamen.

MARRAIRE, s. m. — Pionnier, ouvrier terrassier. Beaucoup de marraires nous viennent, pour la saison d’hiver, des montagnes du Velay ou du Forez. — De marrarius ; de marra, bêche, pioche.

MARRON, s. m. — Breghot faisait observer que ce mot, au sens de celui qui exerce sans titre l’état d’agent de change ou de courtier, n’était pas français. Mais peu d’années après l’Académie l’insérait dans son dictionnaire.

MARRONNER, v. n. — Gronder, murmurer, être mécontent, grognon, mais sans explosion. — Onomatopée, comme ronronner.

MARRONNIER, s. m. — Marchand de marrons. « Vous vous abouzé comme la baraque d’un marronnié que les galopins ont attaché z’à un carrosse qui passe, » dit le pauvre Jirôme Roquet. Cette plaisanterie était encore très usitée dans mon enfance, où les marronniers, au lieu d’être en boutique, avaient des échoppes sur les places, entre autres sur la place des Cordeliers.

MARTEAU, s. m. — Dent mâchelière. J’ai trois marteaux que sont gâtes. — De la ressemblance avec un marteau, ostensiblement.

Ramolli, tombé en enfance. Eh ! va don, vieux marteau ! — Je ne saisis pas bien la relation de l’image avec l’idée. Un vieux marteau n’est pas ramolli du tout.

MARTE, s. m. — Martre, fourrure. Marte, en dépit de Molard, est une forme absolument française, qui existe à côté de martre, et a été longtemps la forme officielle. L’Acad., dans sa première édition (1694), donne Marte, en ajoutant : « Quelques-uns escrivent martre. »

MARTINET, s. m. — Sorte de fouet, composé d’un certain nombre de fines lanières de cuir souple, attachées à un manche de bois, et qui remplit la double fonction d’épousseter les habits et ce que les gones ont de plus chair.

Bénir les fesses avec un martinet. Voyez bénir.

De Martin, nom propre, avec un suftixe diminutif. Martinet, le petit Martin.

MARTINETS, s. m. pl. — Petites forges où l’on fabrique des instruments de ménage en fer. Ces petites usines sont toutes établies le long des cours d’eau. — Du bas latin martinetum, forge dont les marteaux sont mus par un moulin.

MASSACRE, s. m. — 1. Mauvais ouvrier qui massacre l’ouvrage. Bibochard, c’est pas un canut, c’est un massacre. — Subst. verbal de massacrer.

2. Travailler comme un massacre. Ce n’est pas du tout travailler comme un ouvrier qui massacre l’ouvrage, c’est au contraire travailler avec rage, d’arrache-pied, en surmontant tout obstacle. Hercule, pour épouser les cinquante filles de Danaüs, dut travailler comme un massacre.

Ce mot est un curieux exemple de corruption euphonique. L’expression primitive, encore usitée à Genève, est travailler comme un sacre. Un sacre, autrefois, était un homme capable de toute sorte de rapacités et même de crimes, par analogie avec le sacre, qui, d’après Henry Estienne, est « le plus vaillant et le plus hardi entre les oiseaux de proye ». Travailler comme un sacre, c’est donc travailler en homme hardi, énergique, que rien n’arrête. Mais ne comprenant plus ce que c’est qu’un sacre, nous avons dit massacre, ce qui, même comme sens, n’en est pas très loin, car un sacre est très capable de massacres.

MASSE, s. f. — Très grosse mailloche, fixée à un long manche, et dont on se sert pour enfoncer les pieux, pour frapper sur les coins de fer à l’aide desquels on refend le bois, etc. — De malea, malia, primitif de mateola.

Masse du battant (métier de canut). C’est la traverse inférieure du battant, beaucoup plus lourde que la partie supérieure qui se nomme poignée. — De massa.

MASTOQUE, adj. des 2 g. — Lourd, grossier, trop gros, en parlant des choses ou des personnes. L’Alboni était une merveilleuse chanteuse, mais elle était un peu mastoque. Qu’importe : grosses gens, bonnes gens ! Le plus lourd reproche que l’on puisse faire à une architecture aux yeux du bourgeois, c’est de dire qu’elle est mastoque.

Je crois bien que la première partie du mot est masse, auquel on a cousu un suff. péjoratif oque. Le phonème oque est caractéristique de lourdeur, de stupidité. Comp. boque, gnoque.