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LE MÉNESTREL

parlé, était boulanger, et lui et son fils Hans ont exercé leur métier dans la vieille maison familiale de Wechmar, qui est encore debout. Le fils, Hans Bach, avait appris la musique à Gotha et jouissait d’une certaine réputation d’artiste. On compte, en sept générations, plus de cent descendants de Veit Bach, dont la plupart sont connus dans l’histoire de la musique allemande.

— Le prince de Montenegro a fait construire un théâtre à Cettigne, sa capitale. Ce théâtre est petit, comme son pays ; il ne peut abriter que six cents personnes, mais il contient tout de même une vingtaine de loges. Il sera inauguré par une troupe russe qui y chantera l’opéra.

— Nous sommes en mesure, dit le Trovatore de Milan, de donner les premières nouvelles de la saison d’automne au Théâtre-Lyrique-international. L’éditeur Sonzogno nous fera entendre cinq ou six étoiles de première grandeur : Mmes Van Zandt, Sanderson, Arnoldson, Nuovina, Nevada et Simonnet. Quant aux œuvres, nous aurons comme nouveautés la Phryné de Saint-Saëns, la Vivandière de Godard, et le Grillon du foyer de Goldmark.

— Une impresaria qui a beaucoup fait parler d’elle en Italie au cours de ces dernières années, Mme Stolzmann, dont les hauts faits à Naples, à Milan et à Gênes ont grandement défrayé la chronique artistique, vient de terminer ses exploits en police correctionnelle. Sur une plainte dont elle avait été l’objet, la sixième chambre du tribunal civil et correctionnel de Gênes l’a condamnée ces jours derniers à deux années de réclusion et à une amende considérable. Mme Stolzmann était contumace.

— Nous avons donné, il y a quelques semaines, les détails du record tenu par deux pianistes italiens, qui s’étaient engagés à rester attelés utilement à leur instrument pendant cinquante heures consécutives. Voici qu’un concours du même genre, et d’un intérêt aussi palpitant, vient d’avoir lieu à Turin, cette fois entre mandolinistes, ce qui devait être encore un peu plus agaçant, car le grattage ininterrompu d’un bec de plume sur les cordes d’une mandoline a de quoi rendre à la longue enragé l’être physiquement le plus insensible. Quoi qu’il en soit, quatorze mandolinistes, dont sept du sexe barbu et sept du sexe aimable, s’étaient réunis à Turin pour battre ce record mémorable. Les héros de la fête avaient la faculté de boire et de manger pendant l’épreuve, mais sans cesser de jouer, ce qui ne devait pas laisser que de leur offrir quelque difficulté. Un premier prix, consistant en une médaille d’or, était destinée au vainqueur ; il a été attribué à M. Luigi Novara, de Turin, qui n’a cessé un instant de martyriser sa mandoline — et ses auditeurs — pendant 23 heures 55 minutes ! Les femmes n’ont pas brillé, paraît-il, dans cette lutte qu’on aurait peine à qualifier d’homérique. Trois d’entre elles ont cependant résisté pendant 18 heures, ce qui est déjà un assez joli tour de force ; mais les quatre autres ont été mises promptement hors de combat. Ce qui est prodigieux, c’est qu’on puisse recruter des amateurs (?) pour faire fonctions de juges dans un pareil tournoi. Et dire qu’ils n’y sont pas forcés, et que seul l’amour de l’art les anime ! C’est beau, le dilettantisme appliqué à la mandoline !

— À Rovigo, au théâtre Social, dans une soirée donnée au bénéfice de l’Asile infantile, on a représenté une opérette enfantine, i Fanciulli vendutti, expressément écrite pour la circonstance par M. Belluzzi pour les paroles, et pour la musique par M. Parisini, qui s’est fait une spécialité en ce genre. Ce qui était curieux, c’est que l’exécution de ce petit ouvrage était uniquement confiée à des enfants des écoles, au nombre de cent cinquante, tant acteurs et chanteurs que danseurs, choristes, comparses, etc., et que cette exécution, préparée avec un soin et une patience dont on peut se rendre compte, a été excellente de tous points, les interprètes y prenant, on le comprend, autant de plaisir que leurs auditeurs.

— Au Tivoli de Barcelone, on signale l’apparition d’une zarzuela catalane en deux actes, Matrimonis à Montserrat, paroles de M. Roure, musique de M. Comella, à laquelle le public a fait un accueil des plus chaleureux. Le compositeur a fait figurer dans sa partition nombre de thèmes populaires catalans fort bien traités par lui, qui donnent à son œuvre une saveur toute particulière, et dont la présence a fait la joie des auditeurs. — Au Jardin Espagnol de la même ville, première représentation de deux zarzuelas catalanes en un acte. Verdalet pare y fill del comers de Barcelona et un Début, toutes deux mises en musique par M. Urbano Fando.

— De Londres : La baronne d’Anzon-Caccamisi, née Blanche Marchesi, a eu un immense succès à son premier concert à Londres. Elle avait remporté un triomphe pareil chez M. Blumenthal et chez Mme Ronalds. Mme Melba lui avait offert vendredi dernier un grand dîner au Savoy Hotel.

— La nouvelle de la mort du compositeur brésilien Carlos Gomes, que nous avons donnée dans notre dernier numéro et qui était parvenue en Europe par les journaux de Bahia et de Pernambuco en date des 20 et 21 mai, était inexacte, et elle est formellement démentie. Par malheur, elle n’était sans doute que prématurée, car l’excellent artiste est atteint d’un mal qui ne pardonne pas, un cancer à la langue, croyons-nous, qu’il est impossible d’opérer. Carlos Gomes, en ce moment à Para, est en proie à des souffrances terribles, et les médecins qui le soignent (il n’y en a pas eu, dit-on, moins de vingt et un !) affirment qu’il est impossible de le sauver, et ne lui donnent pas plus de trois ou quatre mois d’existence.

PARIS ET DÉPARTEMENTS

C’est avant-hier vendredi qu’a eu lieu au Conservatoire, devant le jury spécial, l’audition des cantates des six élèves concurrents au grand prix de Rome, et c’est hier samedi que cette exécution a été renouvelée à l’Institut, en présence des membres de toutes les sections de l’Académie des beaux-arts. Voici, avec les noms de leurs interprètes, l’ordre dans lequel les cantates ont été exécutées :

1. — M. d’Ivry, élève de M. Théodore Dubois. Interprètes : Mme Marcy, MM. Leprestre et Mondaud.

2. — M. Schmidt, élève de M. Massenet. Interprètes : Mme Ducy, MM. Cornubert et Darraud.

3. — M. Mouquet, élève de M. Théodore Dubois (mention honorable de 1894). Interprètes Mlle Loventz, MM. Vialas et X.

4. — M. Levadé, élève de M. Massenet (premier second prix de 1893). Interprètes : Mlle Lafargue, MM. Delmas (ténor) et Jacquin.

5. — M. Halphen, élève de M. Massenet. Interprètes : Mlle Blanc, MM. Clément et Auguez.

6. — M. Max d’Olonne, élève de M. Massenet (premier second prix de 1895). Interprètes : Mlle Ganne, MM. Engel et Delpouget.

Voici les résultats du concours :

Grand prix : M. Mouquet, élève de M. Théodore Dubois.

1er second prix : M. d’Ivry, élève de M. Théodore Dubois.

2e second prix : M. Halphen, élève de M. J. Massenet.

— C’est mercredi prochain que M. Van Dyck fera ses adieux au public de l’Opéra dans Lohengrin.

— À l’occasion des fêtes qui viennent d’être célébrées à Arras à la mémoire et en l’honneur du vieux trouvère Adam de la Halle, la Revue du Nord a publié sous ce titre : Commémoration d’Adam de la Halle, un numéro spécial et intéressant qui lui est entièrement consacré. Ce numéro contient l’arrangement du Jeu de Robin et Marion fait par M. Émile Blémont pour la représentation, ainsi que les deux scènes du Jeu de la Feuillée, trois rondels d’Adam, une courte notice de M. Larivière, deux notes de MM. Émile Blémont et Julien Tiersot, diverses poésies en l’honneur d’Adam de MM. Jean Richepin, Henri Malo, Fernand Lefranc, Henri Potez, M. J. Le Coq, et enfin une conférence rimée de M. V. Barbier sur « Arras au xiiie siècle ». De la jolie pièce de vers adressée par M. Jean Richepin à Adam de la Halle, nous citerons avec plaisir ce fragment relatif à l’opéra-comique, dont il fut le précurseur :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


C’est bien le moins qu’un brin de jolis lauriers verts
À ton nom de chanteur et de faiseur de vers
Mette après six cents ans sa joyeuse cocarde.
Qu’à jamais de la mort cet hommage te garde.
Tu ne méritais pas, certe, un pareil oubli,
Toi par qui le premier chez nous s’est accompli
L’hymen joué de la musique avec le verbe.
— Mince trouvaille, bah ! dira quelque superbe.
Qu’est cela ? L’opéra-comique ! Des flonflons !
C’est d’un art plus hautain que nous nous régalons.
Aujourd’hui notre muse est d’allure plus fière.
Robin et Marion, fi donc ! Petite bière !
— Mais la petite bière a du bon, hein ! les fieux !
Ça rafraîchirait comme un grand vin, quelquefois mieux.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Ton œuvre, maître Adam de la Halle, est ainsi.
Qu’ils la méprisent, ceux qui ne sont point d’ici !
Mais pour les gens du Nord, c’est le Nord qu’elle fleure,
C’est sa petite bière et le sel de son beurre ;
Et tant qu’on en aura chez nous le nez friand,
Ton nom ressuscité dans ce jour souriant
Reverdira toujours comme une primevère,
Maître Adam-le-bossu-d’Arras, maître trouvère !

— Une petite curiosité découverte par notre confrère de Bruxelle l’Écho musical, qui la fait connaître en ces termes. On sait, dit-il, que la célèbre ouverture de Litolff, Maximilien Robespierre, relève du genre dit « musique à programme » ; une simple audition de cette œuvre véhémente et tourmentée suffit pour s’en convaincre. Aussi nous a-t-on fréquemment demandé le « programme », ou, si vous voulez, l’argument de Maximilien Robespierre, — que nous n’avons jamais pu fournir, l’éditeur lui-même ne le possédant pas. Aujourd’hui qu’un hasard nous le met sous la main, nous ne manquerons pas de l’enregistrer ici, pour l’édification et l’utilité éventuelle de nos lecteurs. Voici ce curieux document :

Andante. Désolation et terreurs extrêmes. — Allegro. Agitation. Lutte de Robespierre et des triumvirs contre les membres des comités. — Poco ritenuto. La Marseillaise éclate, fougueuse d’abord, lugubre ensuite. — A tempo. Mise hors la loi de Robespierre et de ses complices. — Sempre. On dresse l’échafaud. Un peuple immense encombre la place. — Accelerando. La tête de Robespierre tombe sous le couteau de la guillotine. — Andante. Stupeur mêlée d’effroi. Rassemblement des troupes sur une sonnerie de trompettes. — Allegro. La fin de l’affreux régime de la Terreur est arrivée et des cris de joie retentissent.

— La riche bibliothèque de l’enseignement des beaux-arts publiée par la maison Quantin vient de s’enrichir d’un nouveau volume, Histoire de la musique allemande, dont l’auteur est notre collaborateur et ami Albert Soubies, ce qui ne saurait nous empêcher d’en dire le bien qu’il mérite. Jusqu’ici nous ne possédions en France aucun ouvrage consacré spéciale-