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LE MÉNESTREL

concert donné par l’orchestre de M. Colonne, actuelle en « tournée » en Angleterre et en Hollande, avec le concours du violoniste Marix Loevensohn, et dont le programme, consacré à la musique française, comprendra notamment la Symphonie fantastique de Berlioz, des fragments de Psyché de César Franck, le ballet du Cid de Massenet, etc… Puis viendra, le 25 octobre, le premier concert populaire, en l’honneur de M. Saint-Saëns, qui s’y fera entendre comme pianiste, ainsi que M. Arthur De Greef. Les Concerts populaires nous réservent ensuite une matinée dirigée par M. Richard Strauss et consacrée en partie à ses œuvres, et une autre dirigée par M. Hans Richter, qui conduira la Neuvième symphonie de Beethoven ; comme solistes, ils nous promettent entre autres, Mlle Ternina, une cantatrice allemande, et le jeune violoncelliste liégeois déjà célèbre, M. Gérardy. Au Conservatoire, M. Gevaert prépare une exécution complète de la Passion selon saint Mathieu, de Bach. Aux Concerts Ysaye, nous entendrons l’excellent pianiste français M. Raoul Pugno, le baryton Maurel, le violoniste Thomson, qui jouera avec M. Eugène Ysaye le concerto pour deux violons de Bach, Mlle Gulbranson, la chanteuse norvégienne, etc. ; enfin M. Mottl viendra diriger une des séances réservées à l’audition de fragments de l’Apollonide de Franz Servais et d’œuvres de Berlioz, dont M. Mottl est le protagoniste en Allemagne, — indépendamment d’un concert spirituel du Vendredi-Saint, dans lequel on exécutera les Béatitudes de César Franck et le Judas de notre compatriote M. Sylvain Dupuis, avec le concours de la Légia de Liège.

Voilà des promesses nombreuses, — sans compter les surprises. On n’aura pas le temps de s’ennuyer cet hiver, à Bruxelles !

L. S.

— Bruxelles a aujourd’hui, comme Paris, ses théâtres irréguliers et fantaisistes. L’un d’eux, le théâtre du Diable-au-Corps, a dû faire sa réouverture cette semaine avec une pièce nouvelle, Noël-Blanc, de M. Albert Giraud, musique de M. J. Veher. Il en prépare plusieurs autres, parmi lesquelles le Cripiscule des vieux (ceci est irrévérencieux), paroles et musique M. Pietro Lanciani, l’Horloger d’Yperdam, légende du beau pays de Flandre, poème de M. Fritz Lutens, musique de M. Jules Baur, et Conte de Noël, poème de M. Francis de Croisset, musique de M. Luiz Martinz.

— Les derniers échos des fêtes musicales de Spa nous apprennent les succès remportés par Mlle Mary Garnier, qui a chanté, entre autres morceaux, avec infiniment de virtuosité l’air des clochettes de Lakmé et la Sevillana, de Massenet, que la salle entière lui a bissée.

La Navarraise, le petit opéra émouvant de MM. Massenet, Jules Claretie et Henri Cain, vient de remporter au théâtre lyrique de Milan un véritable triomphe : « Mme de Nuovina, nous écrit-on, s’y est de suite imposée par son grand talent, et on lui a bissé d’enthousiasme bien des passages de son rôle. Elle a trouvé d’excellents partenaires dans le ténor Metellio et la basse Dufriche. L’orchestre a été parfait sous la direction du maestro Ferrari, et on a fort goûté le délicieux nocturne qui sert d’intermède. Du haut en bas du théâtre, applaudissements frénétiques et six rappels chaleureux après le baisser du rideau. »

— Pour l’inauguration du monument de Donizetti, qui doit avoir lieu prochainement à Bergame, on a demandé une cantate au compositeur Pietro Floridia, auteur de l’opéra Maruzza, qui a promis de l’écrire.

— Le 16 octobre doit commencer, à Rome, la saison lyrique du Théâtre National. Le répertoire comprend les ouvrages suivants : la Traviata, Fra Diavolo, il Barbiere, Luisa Miller, Lucia di Lammermoor et Don Cesare di Bazan, opéra du baryton Sparapani. Voici le tableau de la troupe : soprani, Mmes Maria De Macchi, Isabella Svicher, Teodolinda Micucci ; mezzo-soprano, Maria Quaini ; ténors, MM. Signoretti et Mieli ; barytons, Carobbi, Sammarco et Corradetti ; basse, Wulmann ; basse comique, Cremona.

— Il n’y a pas maintenant une bourgade italienne qui ne veuille se donner le luxe sinon d’un opéra, au moins d’une opérette inédite. On vient d’en représenter une à Palombara Sabina, sous le titre de l’Oca del maestro Castiano, qui est l’œuvre d’un compositeur absolument inconnu jusqu’à ce jour, M. Giuseppe Imperiali.

— Il existait depuis 1828, à Naples, un théâtre qui portait le titre de la Fenice et qui, depuis longtemps déjà, semblait surtout consacré à l’opérette bouffe en dialecte et aux parodies musicales. Ce théâtre, en mauvais état, vient d’être supprimé par arrêté préfectoral, sa restauration étant, paraît-il, impossible.

— Le conseil municipal de Gênes, qui dispose, comme on sait, du violon de Paganini, légué par le grand artiste à cette ville, a récemment fait ouvrir l’urne qui contient le précieux instrument pour remplacer deux cordes cassées. À cette occasion, le virtuose Léandre Campaneri a joué sur le violon de Paganini la Clochette, du maître, l’Ave Maria de Schubert et la grande Étude de Bazzini.

— Un journal de Triste, il Mattino, rapporte un fait vraiment curieux, et qui paraît authentique, de la facilité d’oreille des musiciens tziganes. Il y a peu de jours, dit ce journal, l’orchestre des tziganes de Raab, dirigé par Farkas, était engagé pour se faire entendre à Vienne, dans une fête aristocratique pour laquelle Johann Strauss avait composé une valse nouvelle. Pendant un intermède, le comte Cs… dit à Farkas : — « Écoute : dans un instant, Strauss va exécuter une valse tout flambant neuve. Si aussitôt après tu peux l’exécuter à ton tour, je te donne 300 florins. — Mey less, Meltosàg (ce sera fait, Excellence), répond Farkas. » Et en effet, Strauss avait à peine terminé, que l’orchestre tzigane exécutait de son côté la nouvelle valse très exactement, comblant seulement quelques lacunes avec le cymbalum. Strauss resta stupéfait, puis parla de corruption, de vol de partition, etc. Mais le comte Cs… le tranquillisa aussitôt, en lui expliquant le fait par l’extraordinaire facilité d’oreille des Tziganes. Après les trois billets de banque de 100 florins du comte, d’autres vinrent encore, de divers côtés, tomber dans la poche de Farkas, et Strauss lui-même voulut se mettre de la partie, mais Farkas voulut seulement accepter de lui une poignée de main, en lui demandant une réduction de sa valse pour piano, afin de pouvoir l’étudier exactement.

— Dès le commencement de la nouvelle saison, les théâtres d’outre-Rhin ont repris les œuvres françaises dont nous avons signalé si souvent les représentations. On a déjà joué, à Vienne : Manon, Faust, le Prophète, l’Africaine, Fra Diavolo, Coppélia, Guillaume Tel ; à Berlin : l’Africaine, Carmen, Robert le Diable, le Prophète, Guillaume Tell, Mignon ; à Dresde : Carmen, la Fille du Régiment, Mignon, Faust, Coppélia ; à Hambourg : Carmen, les Huguenots, Mignon, le Prophète, la Juive, l’Africaine, la Fille du Régiment, les Dragons de Villars, Médée (Cherubini), le Postillon de Longjumeau ; à Leipzig : le Prophète, Carmen, Fra Diavolo, Mignon, Faust, Jean de Paris, les Dragons de Villars ; à Francfort : la Juive, la Fille du Régiment, le Prophète, Faust, les Dragons de Villars, la Dame blanche, la Part du Diable, Joseph ; à Wiesbaden : Mignon, Carmen, Fra Diavolo, les Dragons de Villars, Faust, le Postillon de Longjumeau ; à Hanovre : Iphigénie en Tauride (Gluck) ; à Cologne : les Huguenots, les Dragons de Villars.

— Le nouveau théâtre allemand de Munich, qui passe pour être le théâtre le plus perfectionné de l’Allemagne, vient enfin d’être inauguré après beaucoup de difficultés causées par l’insuffisance des moyens de l’entreprise. L’ouverture de Beethoven, la Consécration de la maison, a été jouée à cette occasion par l’orchestre du théâtre.

— L’Opéra royal de Dresde y a mis le temps, mais enfin il vient de jouer Coppélia. La première du délicieux ballet de Delibes a eu un succès énorme. Le directeur général, M. de Schuch, a conduit en personne, et l’orchestre s’est surpassé sous sa vaillante direction.

— On nous écrit de Hambourg qu’une jeune artiste viennoise, Mlle Cécile de Wenz, a remporté un grand succès dans le rôle de Philine de Mignon. Le directeur, M. Pollini, l’a engagée aussitôt au théâtre de cette ville.

— Franz Schubert, dont le centième anniversaire approche, est à la mode. Le théâtre royal de Dresde vient de jouer pour la première fois la petite pièce intitulée En faction depuis quate ans, dont les paroles furent fournies à Schubert par le célèbre poète saxon Théodore Koerner. Le succès a été très vif, ce qui est d’autant plus remarquable que pièce et musique sont d’une simplicité qui a complètement disparu des scènes modernes. La bagatelle musicale de Schubert et les effets raffinés de Cavalleria rusticana, qui tient encore l’affiche à Dresde, quel contraste !

— L’Opéra royal de Budapest jouera prochainement un opéra inédit intitulé Kikuska, paroles de M. Félix Falzari, musique de M. Franz Lehàr. La même œuvre est aussi en préparation au théâtre municipal de Leipzig.

— La direction des concerts philharmoniques à Budapest va faire grandement les choses pendant la prochaine saison. Elle a engagé comme chef d’orchestre pour ses concerts MM. Richter (Vienne), Sucher (Berlin) et Siegfried Wagner (Bayreuth). Il est inutile de rappeler que ces trois artistes appartiennent à l’école de Richard Wagner.

— Le théâtre municipal de Mayence prépare un opéra inédit en un acte intitulé Rasbold, paroles de M. Félix Dahn, musique de M. Reinhold Becker. — De son côté, le théâtre royal de Dresde va jouer un drame musical inédit, le Retour d’Ulysse, paroles et musique de M. Auguste Bungert. — Enfin, on annonce de Berlin un nouveau grand opéra intitulé Wulfrin, paroles de M. E. Wolfram, musique de M. R.-L. Herman.

— Les manifestations musicales à l’adresse du fameux explorateur Nansen continuent en Norvège. On joue en ce moment avec un énorme succès, à l’Eldorado de Christiana, un ballet qui a pour titre Sous le 86e parallèle et qui se termine par une apothéose du célèbre voyageur.

— Il existe en Hollande un aimable trio vocal féminin qui vient de se dissoudre — pour cause de mariage de la part d’un de ses gracieux membres. En revanche, il vient de se former à Amsterdam un quatuor mixte qui comprend les noms de Mmes Reddingius et Loman, et de MM. Messchaert et Rogmans.

— À Scheveningue, très grand succès pour Mlle Esther Sidner, qui a supérieurement chanté l’air de la Vierge de Massenet, et en bis une mélodie du même maître, l’Ave Maria de Gounod, qu’on lui a fait répéter, et des compositions de Schumann et du prince Alexandre-Frédéric de Hesse.

— Voici qu’enfin, après bien des tergiversations et bien des difficultés, le diapason normal français commence à prendre droit de cité à Londres, pour le plus grand bien de l’art, et particulièrement des chanteurs. Dans un compte rendu des concerts-promenades de Queens(Hall, le Musical News nous apprend qu’au bas du programme se trouvait cette note intéressante : — « À partir de ce jour le diapason français (normal) sera exclusivement usité. » Et le journal ajoutait : « De manière que celui-ci est adopté à la Société philharmonique, au Choral Bach, aux concerts Mottl, Henschel, Nikisch, au Choral de la Queen’s Hall, aux orchestres Lamoureux, Colonne et aux