Page:Le Mierre-Oeuvres-1810.djvu/226

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Jusque-là de la vie éteindre en vous l'amour ?

Qu'importe à votre époux, à son ombre insensible, [285]

De vos ans les plus beaux le sacrifice horrible ?

Autant que vous l'aimiez, s'il vous aimait, hélas !

Aurait-il exigé...

La Veuve

Tu ne m'entendais pas :

L'honneur est mon tyran, il asservit mon âme ;

Ou vivre dans la honte, ou mourir dans la flamme, [290]

Je n'ai point d'autre choix ; c'est la loi qu'on nous fit.

Fatime

Elle est injuste, affreuse.

La Veuve

Elle existe, il suffit.

Fatime

Comment a-t-on souffert cette loi meurtrière ?

Quelle femme assez faible y céda la première,

Et prit sur le bûcher de son barbare époux, [295]

Ce parti de douleur, embrassé jusqu'à vous ?

L'époux traîne à la mort son épouse fidèle ;

Mais lui, lorsqu'il survit, s'immole-t-il pour elle ?

Au-delà du tombeau lui garde-t-il sa foi ?

Quel droit de vivre a-t-il, que d'avoir fait la loi ? [300]

Sans peine il l'imposa sur un sexe timide,

Tandis qu'il s'affranchit de ce joug homicide.

La Veuve

Je renonce à la vie, ainsi le veut l'honneur.

Hélas ! J'ai renoncé dès longtemps au bonheur ;

Tu vois ma destinée et ma douleur profonde, [305]