Page:Le Mierre-Oeuvres-1810.djvu/232

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Faut-il avoir si tôt, pour voir votre misère,

Perdu l'infortuné qui m'a servi de père ?

Orphelin par sa mort, à moi-même livré,

Dans ces murs, dans ce temple à peine suis-je entré. [420]

Je trouve donc partout un usage sinistre ;

J'échappe à l'un, de l'autre on me fait le ministre.

La Veuve

Eh ! Qui vous poursuivait ?

Le Jeune Bramine

L'usage meurtrier,

Qui trois jours fait suspendre aux branches d'un palmier

Tout enfant nouveau-né dont la lèvre indocile [425]

Fuit le premier soutien de son être fragile ;

Qu'il refuse le sein par trois fois présenté,

Dans les ondes du Gange il est précipité.

J'allais périr ! Où vont mes plaintes importunes ?

Je ne dois m'attendrir que sur vos infortunes, [430]

Et c'est de mes malheurs que je vous entretiens.

La Veuve

Le récit de vos maux vient d'ajouter aux miens.

De ma famille, ô ciel ! Quelle est la destinée !

Loin de ces tristes bords, aux lieux où je suis née,

Au temps dont vous parlez, un des miens moins heureux [435]

Fut proscrit sans pitié par cet usage affreux.

Je vais être à mon tour d'un autre usage étrange,

Victime au Malabar comme lui sur le Gange,

Et nous aurons péri dans des lieux différents,

Mon frère à son aurore et moi dans mon printemps. [440]

Le Jeune Bramine