Page:Le Mierre-Oeuvres-1810.djvu/235

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Tu m'opposes en vain l'exemple des cruels,

Qui, pour hâter ta mort, t'assiégent aux autels.

Tu l'as vu, de ta fin la douloureuse attente,

Quoique étranger pour toi, me glaçait d'épouvante ;

Et cette humanité dont j'écoutais la voix, [475]

Mêlée au cri du sang aurait perdu ses droits !

Si l'homme a sur ces bords renversé la nature,

Rétablissons pour nous la loi qu'il défigure :

Non, ce n'est pas à moi, sans doute, après mon sort,

À devoir respecter des coutumes de mort. [480]

Si j'ai pensé jadis périr loin de ces plages,

Victime comme toi des barbares usages,

De malheurs entre nous cette conformité,

Va, ne me permet point l'insensibilité.

Je ne suis point ce frère inflexible et barbare, [485]

Qu'endurcissent nos moeurs, que la démence égare ;

Je suis par la nature un coeur simple entraîné,

Je suis le frère enfin que le ciel t'a donné.

La Veuve

Ta sensible amitié me rend, ô mon cher frère !

Le jour plus désirable et ma fin plus amère. [490]

Crois qu'il m'en coûte assez, dans mes vives douleurs,

Pour combattre le sang, ma tendresse et tes pleurs :

Mais que sert en ce jour qu'une soeur te revoie ?

J'appartiens à la mort qui réclame sa proie.

De ton coeur attendri vois mieux l'illusion, [495]

Changeras-tu l'usage ou bien l'opinion ?

Si j'évite la mort, la honte est mon partage,

Et de ma lâcheté ton opprobre est l'ouvrage ;

Plus je te suis, et moins tu te dois attendrir,