Le manteau
Après avoir publié la traduction de Moumou qui avait pour but de caractériser une des manières de Tourgueniev qui est peut-être celle à laquelle il a dû ses plus grands succès, nous avons tenu à donner en face, dans une traduction de la même main, la plus célèbre des nouvelles de Gogol, Le Manteau.
On verra se dessiner ici l’incapacité du grand écrivain à tirer d’une série d’observations éminemment précises ce qu’elles contiennent d’éléments purement humains. On saisit sur le fait et la puissance d’observation et la faiblesse de création morale qui est la caractéristique même du génie de Gogol.
Au ministère de… Non, mieux vaut ne pas le nommer. Personne n’est plus susceptible que les fonctionnaires, officiers, employés de bureau et autres gens en place. À l’heure actuelle, chaque particulier croit que si l’on touche à sa personne, toute la société en est offensée. Dernièrement, paraît-il, le capitaine-ispravnik de je ne sais plus quelle ville a exposé sans ambages dans une supplique que le respect des lois se perd et que son nom sacré est prononcé « en vain ». À l’appui de ses dires, il a joint à la pétition un gros ouvrage romantique où, toutes les dix pages, apparaît un capitaine-ispravnik, parfois dans un état d’ébriété prononcée. Aussi, pour éviter des désagréments, appellerons-nous le ministère dont il s’agit tout simplement un certain ministère.
Donc, il y avait dans un certain ministère un employé. Cet employé ne sortait guère de l’ordinaire : petit, grêlé, rousseau, il avait la vue basse, le front chauve, des rides le