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et parfumée comme le lilas « qui sort du vieux mur entr’ouvert ». Après un fragment de l’harmonieuse cantate de M. Charles Duhot, on trouvera en outre, dans ce volume, un véritable bouquet de poésies. Ce sont les vers pleins d’originalité de Paul Verlaine, cet artiste étrange, habile à donner un corps aux images impalpables qui émergent à peine de la partie inconsciente de l’âme ; ceux de M. Paul Demeny, sincères et respectueux ; de M. Adolphe Lacuzon, tout imprégné de la tradition chantante et fleurie des anciens Rosati d’Artois ; de Mme Berthe Poncelet-Dronsart, dont l’exemple témoigne que la série des Muses douaisiennes ne souffre point d’interruption ; le sonnet de M. Sully-Prudhomme, de si large envergure, et la pénétrante inspiration de M. Albert Samain. Mmes Julia A. Daudet et Marthe Stiévenard paient aussi leur tribut de grâce et d’harmonie. Rompant en visière aux formes prosodiques, M.-J. Le Coq, dans un rythme qu’ignora Marceline et avec des innovations de langue dont elle se fût sans doute émerveillée, proteste hardiment contre les curiosités en éveil autour d’un mystère d’amour enseveli sous les larmes et le temps. D’une façon imprévue et piquante, M. Adolphe Rosay associe au souvenir de Desbordes-Valmore celui de Gayant. Un anonyme salue avec chaleur les hôtes de la ville, et les trouvères locaux, Vint’ d’Osier, Jean d’Douai, adressent à leur compatriote un hommage qui lui fût allé au cœur tout droit, car elle aimait son patois d’enfance, le parlait et l’écrivait volontiers. On doit une mention toute spéciale à la superbe pièce de M. Édouard d’Hooghe. Le jeune poète fera un jour honneur à la cité. En lui, nous en sommes sûr, les fruits, comme disait Malherbe, passeront la promesse des fleurs. Un autre, pour qui la moisson des fruits est déjà commencée, n’a pas écrit la page la moins remarquable de ce livre. Dans ses vers, M. Henri Potez met en relief le côté à la fois légendaire et cordial du génie de Mme Desbordes-Valmore. Il raconte, en l’idéalisant un peu, en en faisant une sorte de conte lointain, la vie de Marceline sur un rythme qu’il lui emprunte, d’un caractère étrange d’incantation, puis il convoque au pied de celle qui a tant souffert le cortège de tous les misérables. Cela est d’un effet saisissant.

La fête du 13 Juillet 1896 ne consacre pas seulement l’entrée dans l’immortalité d’un haut poète, un des plus purs de la grande époque lyrique de notre littérature ; elle a une autre signification : elle perpétue le souvenir du vieux Douai presque entièrement disparu sous la pioche des démolisseurs, le charme mélancolique des choses évanouies ; elle glorifie une femme de noble race, symbole parfait de l’âme flamande, avec ses vertus d’endurance, de bonté simple et d’absolu dévouement.

Édouard DELPIT.