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renommée de notre Scène française, et qui ont valu à cette Reine de l’Art dramatique une part de l’empire du monde ; c’est au sortir d’un de ses fatigants et indiscontinus triomphes, desquels, par un miracle bien dû à sa générosité et à son génie, elle nous revient chaque fois plus belle et plus grande, — qu’elle était il y a quelques semaines à peine, allée goûter le repos lumineusement gagné, parmi la solitude de sa Mer sauvage. Mais le jour n’est pas proche où nous la verrons laisser sans écho l’appel de l’amitié et de l’enthousiasme. Et, j’aime, Messieurs, à vous rapporter la noble et simple réponse — et qui mériterait de devenir historique — dont cette magnanime artiste accueillit mon importune demande de se reposer d’un an d’illustres travaux, par plusieurs jours et nuits de nouveau voyage : « Je le ferai parce que cela me sera difficile. »

Dans le public, à côté des hommes éminents qui ont assuré avec tant de zèle le succès de cette solennité, j’aperçois encore des plus distingués représentants de notre littérature et de notre art.

En présence de tels témoignages, de pareille admiration, de semblable sympathie, oseriez-vous bien le redire, Marceline Valmore, ainsi que vous l’écriviez à Lamartine, en ces émouvantes strophes :

Oh ! n’as-tu pas dit le mot gloire ?
Et, ce mot, je ne l’entends pas,

Car je suis une faible femme,
Je n’ai su qu’aimer et souffrir ;
Ma pauvre lyre, c’est mon âme,
Et toi seul découvres la flamme
D’une lampe qui va mourir.

Eh bien ! entendez-le aujourd’hui, ce mot, quel que soit l’entêtement enfin périmé de votre inguérissable modestie, Marceline Desbordes-Valmore ! Votre gloire, elle est levée, la voilà venue ! C’est dans les flots mêmes de votre molle rivière, de cette Scarpe que vous avez tant chérie et tant chantée que s’en reflète pour vous la clarté douce.

Elle s’est transformée en votre étoile qui ne mourra point, votre lampe qui allait mourir. Et ce n’est plus avec cette nuance si touchante d’hésitation éternellement troublée et incertaine de votre dignité jugée par nous si haute, que vous diriez aujourd’hui de cette palpitante étoile enfin rassurée :

Si mon étoile brille
Et trace encor mon nom dans la Scarpe d’argent !