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Page:Le Monument de Marceline Desbordes-Valmore, 1896.pdf/78

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— 58 —


III


Ô vous tous qu’elle aimait, ô vous tous qui souffrez,
Venez ! – Tristes amants aux cris désespérés,
Amantes aux nuits désolées ;
Ô mères en grand deuil, qui rappelez en vain
Au foyer déserté pour l’horizon divin
Vos hirondelles envolées ;

Ô rêveurs qui passez, enchantés par la voix
Des cloches, des oiseaux, des sources et des bois,
Perdus en cette vie amère,
Orphelins étonnés de respirer le ciel,
Les souffles du matin chargés d’ambre et de miel,
Et de ne plus avoir de mère ;

Ô vieilles aux cheveux blanchis, qui consumez
Vos derniers jours au fond des logis enfumés,
Sur votre tâche monotone,
Et qui pleurez encor de vos yeux presque éteints
Les morts anciens, les morts perdus, les morts lointains,
Quand viennent les fêtes d’automne ;

Mendiants qu’ont usés les chemins incléments,
Dont la pluie et la boue ont fait les vêtements
Couleur de brouillard et de cendre,
Foules en qui persiste une obscure douceur,
Venez tous, — car elle est votre sublime sœur,
Venez vers votre sœur de Flandre.

D’un geste qui console et d’un front souriant,
Elle vous montrera le rayon d’Orient
Qui filtre dans votre chaumière ;
Elle est prête à guider, pauvres frères tremblants,
Vos esprits incertains et vos pas chancelants,
Sur la grand’route de lumière.


Henri Potez.
Douai, juin 1896.