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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/131

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Il chancela sous un gros coup de roulis. La lisse plongea darts l’eau luisante qui sifflait. Il empoigna un hauban, oscilla, vint cogner le second d’un choc machinal.

— Maintenant qu’on a bon vent enfin... De la toile... Sa tête roulait d’une épaule sur l’autre. Ses paupières se mirent à battre rapidement.

— Et les pompes, les pompes, monsieur Baker. Il clignait les yeux comme si le visage, à un pied du sien, en eût été à un mille.

— Gardez les hommes en mouvement pour qu’on marche, marmonna-t-il d’un ton somnolent comme d’un homme qui s’assoupit. Il se ressaisit subitement :

— Il ne faut pas que je reste en place. Ça n’irait pas, dit-il, en ébauchant péniblement un semblant de sourire. Il lâcha prise, et, projeté par la plongée du bateau, s’en courut à contre-gré, trottant menu, jusqu’à ce qu’il heurtât l’habitacle. Échoué là, il leva un regard vide d’objet sur Singleton qui, sans faire attention à lui, observait, l’œil tendu, la pointe du bout-dehors.

— La barre manœuvre bien ? demanda-t-il.

Une rumeur se produisit dans le gosier du vieux loup de mer comme si les mots, avant de sortir, s’entrechoquaient au fond.

— Gouverne... comme un petit bateau, dit-il enfin, d’un ton de rauque tendresse, sans jeter seulement au patron l’aumône d’un demi-regard. Puis, vigilant, il donna un tour, appuya, ramena de nouveau la roue. Le capitaine Allistoun s’arracha au délice de s’accoter à l’habitacle, et commença d’arpenter la dunette, oscillant et polkant pour garder l’équilibre.

Les tiges des pompes, à grand bruit, à petites foulées, sautelaient, accompagnant la giration égale et rapide des volants au pied du grand mât et jetant d’arrière en avant,