Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/155

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Il ricana spasmodiquement. Donkin s’égaya de compagnie. Puis Jimmy toussa violemment.

— Je vais aussi bien que jamais, fit-il, sitôt qu’il eut repris haleine.

Donkin eut un geste de dérision.

— Pour sûr, dit-il d’un air profond, ça se voit.

— Eux ne voient pas, dit Jimmy, en ouvrant la bouche comme un poisson.

— Ils en avaleraient bien d’autres, affirma Donkin.

— Ne cause pas trop, admonesta Jimmy d’une voix épuisée.

— De quoi ? De ta petite farce, Hein ? commenta Donkin avec jovialité.

Puis, d’un ton de brusque dégoût :

— Tu penses qu’à toi. Tant qu’t’es content…

Ainsi taxé d’égoïsme, James Wait se remonta la couverture jusqu’au menton et resta tranquille un moment. Les lèvres lourdes saillaient en une moue noire qui ne s’effaçait plus.

— Pourquoi tiens-tu si fort à faire du grabuge ? demanda-t-il sans grand intérêt.

— Pa’ce que c’est une sacrée honte. On nous exploite… Mauvaise nourriture, mauvaise paye… C’que j’veux, c’est qu’on leur monte un sacré chahut ; un vrai nom de Dieu d’potin dont ils se souviennent ! Bousculer les gens…, faire sauter la cervelle… Faudrait voir ! Est-on des hommes ?

Son altruisme indigné flamba. Puis il dit avec calme :

— J’ai fait prendre l’air à tes nippes.

— Très bien, dit Jimmy d’une voix languide, rentre-les.

— Passe-moi la clef de ton coffre, dit Donkin avec une impatience amicale, je te les serrerai.