Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/41

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bâillant, fit demi-tour, la bouche ouverte. Puis, furieux, il éclata :

— Qu’est-ce que c’est ? Qui a dit Wait[1] ? Quel…

Mais il aperçut une haute silhouette debout sur la lisse. Elle en descendit et se fraya une route à travers l’équipage. Des pas lourds marchèrent vers le fanal du gaillard d’arrière. De nouveau, la voix sonore répéta avec insistance : Wait ! La lampe éclaira l’individu. Il était de haute taille. La tête se perdait dans l’ombre que jetaient les embarcations. Les blancheurs de ses dents et de ses yeux luisaient distinctement, mais la figure était indiscernable. Les mains grandes paraissaient gantées.

M. Baker s’avança intrépidement.

— Qui êtes-vous ? Comment osez-vous ? commença-t-il.

Le pilotin, stupéfait comme les autres, éleva le fanal jusqu’à la figure de l’homme. Elle était noire. Une rumeur étonnée, qui ressemblait au murmure assourdi du mot : « Nègre », courut le long du pont et se perdit dans la nuit. Le nègre ne parut pas entendre. Il se campa sur place, son geste rythmé marqua un temps. Après un moment, il dit avec calme :

— Je m’appelle Wait, James Wait.

— Ouais ! dit M. Baker.

Puis, après quelques secondes d’un silence où couvait l’orage, il éclata :

— Ah ! vous vous appelez Wait. Et puis après ? Qu’est-ce qu’il vous faut ? Qu’est-ce qui vous prend d’arriver en gueulant comme ça ?

Le nègre était calme, froid, dominateur, superbe. Les hommes rapprochés se tenaient derrière lui en masse

  1. En anglais : Attendez.