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jane

Et elle s’arrêta. Ce que l’on parvint à savoir de plus, c’est qu’elle avait donné tout son argent, trois cents dollars ! et qu’on l’avait ensuite reconduite pour prendre son bateau. Et elle conclut :

— J’aimais mieux m’en revenir. Liverpool, c’est une ville épouvantable, et il pleut toujours là-bas…

Elle se remit tout de suite à casser de la vaisselle et elle paraissait si heureuse d’être au port qu’elle chantait et gazouillait toute la journée. Ce voyage l’avait appauvrie d’argent, mais apparemment bien guérie de l’amour de sa famille. Elle ne parlait plus de personne.

Mais une semaine après son arrivée le courrier apportait à Jane une lettre de la Saskatchewan. On la lui remit sans penser à s’étonner, parce qu’on avait autre chose en tête. Elle prit l’enveloppe, l’examina dans tous les sens avant de l’ouvrir, puis, lorsqu’elle l’eût ouverte, elle devint rouge comme une pivoine, toute tremblante d’excitation et ses yeux flambaient dans leur forêt de cils et elle trépignait de joie en disant :

— C’était vrai ce qu’il disait Dick ! Il m’écrit, il a acheté sa ferme et il dit qu’on pourra se marier pour Noël.

Cette fois, ce fut la patronne qui faillit casser le bol de crème qu’elle tenait ! Jane, dans son patois embrouillé et souvent incompréhensible, avait bien raconté qu’en attendant le départ du paquebot, à Liverpool, elle avait pleuré toute seule dans un coin, à un bout du pont, et qu’un jeune homme était arrivé et lui avait demandé ce qu’elle avait et l’avait consolée. Oh ! avait-elle