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les jumeaux

Aussi, les jumeaux, Ghislaine les connaissait-elle, elle, mieux que tous, et comme le parrain et comme la mère, elle prétendait toujours savoir lequel était lequel.

Ils grandirent assez pour ne plus jouer autour de la maison, sur les hangars et dans les arbres, mais ils allaient ensemble au mois de Marie, ou parfois faire une promenade, et Ghislaine sortait séparément maintenant avec l’un ou avec l’autre.

Depuis quelque temps, toutefois, Guy semblait bien son préféré, celui dont elle recherchait la compagnie. Il faut dire qu’un petit événement exceptionnel les avait liés. Ils étaient encore à l’école, mais se croyaient des grands. La loi du couvre-feu était passée ; ils étaient partis séparément de clarté un soir pour faire une commission ; ils s’étaient rencontrés, s’étaient mis à parler sans méfiance au coin de la rue, avant de se séparer. Un agent en motocyclette s’était arrêté près d’eux, les avait fait monter dans sa nacelle et amenés au poste !… On avait voulu faire un exemple, et ils en avaient été, — pour une fois — les innocentes victimes.

Ils eurent d’abord bien honte, mais depuis l’incident avait tant fait rire tout le monde, qu’ils commençaient vraiment à s’en glorifier.

Un jour qu’on discutait devant Ghislaine de l’embêtante ressemblance des jumeaux, elle se vanta :

— Que les autres s’embrouillent si ça leur fait plaisir, moi, je les reconnais toujours. Guy, ce n’est pas moi qui le prendrais pour André. Merci bien !