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enthousiasme

Des Anglais l’avaient fait construire. Une famille anglaise, — qui s’éteignait faute d’enfants, — le perdait, pendant que les parents de Suzanne l’acquéraient, par miracle, vraiment.

Dès que Marielle eut appris la nouvelle, elle envia Suzanne, elle qui pourtant, de nature, n’avait rien de l’envieuse. Sa seule consolation c’était de penser qu’à l’été, elle irait elle aussi, vivre la vie de château, puisque déjà on l’avait invitée.

— Tu viendras me désennuyer, car j’en aurai besoin, lui avait dit Suzanne, lui montrant sans enthousiasme, les belles photos où l’on voyait la ferme, les bâtiments, le silo…

— C’est à dix minutes du chemin, lui avait encore dit Suzanne. De la route, tu ne vois rien. Tu montes par un chemin étroit, rocheux et épouvantable pour une auto, et tu arrives en haut dans une forêt profonde qui t’enferme à jamais. Le château est là. Pour un château, c’en est un vrai. Il a sa tour, ses pignons, il est beau. Mais la pensée de l’habiter ne m’enchante guère.

Heureusement, la mère de Suzanne avait de l’enthousiasme pour cinquante ! C’était une femme jeune de cœur et de visage, qui débordait d’entrain. Elle parlait autrement que sa fille et Marielle éblouie l’écoutait raconter ce rêve :

— Tu as vu le film Rebecca ? Tu te rappelles quand on nous montre la belle façade de Manderly ? Eh bien, Marielle, en plus petit, mon château ressemble à Manderly.