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le billet de vingt dollars

— Espérons-le.

Elle l’embrasse, le dépeigne de nouveau.

— Linette, cesse ! Bon, me voici encore en retard. Je me sauve.

— Mon vingt dollars !

— Sous ta brosse, sur la coiffeuse.

— Ah ! merci ! Tu es un ange. Bonjour, chou…

— Ne m’appelle pas Chou…

— Bonjour, Jules…

— Bonjour, Linette.

Le mari parti, Linette se précipite, fait sa chambre, range la vaisselle, court d’un bout de l’appartement à l’autre en chantant, vidant les cendriers, remettant, tout en place, car c’est une linotte, mais qui a de l’ordre. Et pour tout l’or du monde, elle ne partirait pas pour magasiner, laissant tout en plan.

Et puis, elle fait sa toilette. Car son état a beau être intéressant, elle est encore coquette et élégante. Son trousseau tout neuf lui offre une abondance de manteaux, de blouses, de tailleurs, de robes, de chapeaux. Choisir est long. Ajuster aussi. Puis se mettre du rouge sur les joues, — oh, à peine, — et de la poudre, et placer son chapeau…

Aussi chic qu’un mannequin et l’air aussi heureux, Linette part enfin. À dix heures, le tramway n’est plus rempli, heureusement, elle s’y installe commodément, et examine, autour d’elle et ensuite regarde dehors. Linette n’a pas le tempérament bien poétique, mais elle est sensible aux beautés de la nature. Et ce tramway 65, à un moment donné,