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il n’y a pas de sot métier

Il riait, ce soir, devant le bon Dieu, en décidant que tous ses fils seraient skieurs dès leur bas âge ! Ses filles aussi. Et il leur donnerait l’amour des hauts sommets et des grands espaces et du soleil et du froid. Après le sanctus, pendant lequel il fut plus recueilli que jamais il ne l’avait été dans sa vie, Guy releva la tête, prit sournoisement la main gauche d’Yvette, lui écarta les doigts et glissa dans son annulaire une belle bague…

Elle le regarda, surprise, l’interrogeant de ses beaux yeux gris qui, tout de suite, se mouillaient d’émotion. Il ne dit rien, se contenta de sourire. Mais il se ravisa. Si elle allait penser que ce n’était qu’un cadeau ordinaire ? Alors, il murmura :

— Dites-vous oui ?

Elle inclina la tête. Le chœur entonnait l’Adeste Fideles. Tous les deux se penchèrent, la figure cachée dans les mains, pour mieux prier, ou pour dissimuler leur joie.

Puis, quand tout le monde à peu près eut communié, ils se levèrent, et s’en allèrent vers la sainte Table, et ils se tenaient la main, sans même s’en apercevoir. Dans la petite chapelle c’était soudain comme s’ils étaient seuls, très grands, très beaux, et Yvette très féminine, malgré le costume de ski. Comme ils approchaient de la Table sainte, la lumière lança jusqu’à l’autel l’ombre de leurs deux têtes : le profil de Guy, et celui d’Yvette qu’encadrait comme une tête de Vierge, le mouchoir noué.