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enthousiasme

et la hâte d’arriver à la maison qui faisait trouver le chemin plus long. Un peu d’inquiétude le tenaillait. Comment son père prendrait-il le retour du chien ? Car un père, pensait Pierrot, c’est un peu étrange. Ça n’a jamais les réactions que l’on attend. Ça se fâche noir, aux moments les plus imprévus. À cause de cela, en vérité, Pierrot aimait mieux la maison quand le père n’y était pas.

— Pourtant maman non plus ne badine pas, si on fait un vrai mauvais coup ! se disait Pierrot. Mais son père au contraire, c’était pour des riens qu’il éclatait comme un orage. S’il allait mal recevoir le pauvre Poilu ? et le mettre dans sa vieille Ford et venir le ramener au fermier !

Le pénitencier était une fois de plus devant Pierrot qui avait pris la route qui passe en haut de Saint-Vincent-de-Paul. Il longeait un pâté de hautes maisons anciennes où logent des employés. La vue était belle. Le vent secouait les feuillages des arbres. Pierrot pensa qu’il aimerait habiter là, être rendu… Dans ces grandes maisons, ce ne serait pas comme dans son « flat », Poilu aurait plus de place, et ne serait pas dans le chemin de tout le monde, comme à Montréal. Les chambres à coucher seraient en haut, et il pourrait aussi se coucher sur les lits, sans être tout le temps délogé !

Et puis si son père était gardien, il lui prêterait les clefs, son fusil…

Pierrot ne put pas rêvasser longtemps. La route était boueuse. Pédaler devenait plus pénible, et le pauvre Poilu qui n’avait pas de bécane, lui, courait en haletant un peu plus à mesure que