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jane

Elle pouvait sûrement. L’intérêt composé du salaire accumulé tant d’années faisait vraiment pour l’époque, un petit capital.

Un passage de troisième ne coûtait pas grand’chose. Il lui resterait quelques cents dollars.

Cette idée fichée en tête, Jane ne pensa plus à autre chose. Inutile de dire que la vaisselle volait en éclats et que tout brûlait. Si bien que sa patronne à qui ses propres enfants donnaient déjà assez de tintouin, ne se fit pas prier pour lui organiser son voyage.

Tout s’arrangea pour que Jane fasse la traversée sans tracas et sans danger. Sa mère serait au quai pour la recevoir, car elle habitait Liverpool. Jane partait avec un billet d’aller et retour. Un beau soir d’été, on l’accompagna au bateau. Tout était propre et agréable dans la cabine, si bien que la patronne de Jane se dit :

— Elle est chanceuse de faire cette traversée que j’aimerais tant à faire moi-même. Ce n’est pas si mal en troisième…

Un vent d’enthousiasme, d’appel au départ pour des pays aussi colorés que lointains, courait dans les couloirs du grand paquebot. Elle enviait presque sa petite bonne qui pourtant, soudain affolée, se cramponna à elle en pleurant, ne voulant plus partir.

— Allons, Jane, soyez raisonnable. Vous n’avez donc point hâte de revoir votre mère ?

Une boîte de chocolats, de petits cadeaux que les enfants lui offraient, la consolèrent bientôt. Le transatlantique attendrait au quai encore