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AUX PHLOX
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Misère

Sur la véranda, je regardais jouer ma petite fille. Au clic-clac de la porte du jardin, je levai les yeux. Une jeune femme, pauvrement mise, montait l’allée. Je crus qu’elle me demanderait la charité, mais elle me dit d’une voix timide dans un bon anglais :

— M. X… m’a envoyée vous voir. Je voudrais retourner à Ottawa. Si vous aviez besoin d’une bonne, peut-être pourriez-vous m’essayer à votre service ici, et me ramener ensuite.

À son doigt brillait une grosse alliance d’or usé, ses bas, ses souliers étaient dans un affreux état. La misère masquait la jeunesse de son visage aux traits réguliers sous le hâle foncé. Deux brèches déparaient sa bouche, dents qu’un médecin de village avait sans doute extraites sans aucun égard pour sa beauté ; parce que, si loin du monde, nul autre remède n’existe. Elle n’habitait pas à Percé, mais, à