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LA MAISON

la cuisine, et elle s’en allait plus loin effeuiller et respirer à son goût la grappe de corolles satinées et blanches qu’elle avait volée.

Il serait toujours temps de revenir voir Mar­raine. Marraine qui n’était pas sa marraine, mais celle d’un autre enfant. Marraine et Parrain. Tout le monde appelait ainsi ces rentiers d’un beau village où les gens étaient naturellement distingués et de race pure.

Ce couple, qui avait grand air, menait une vie simple, modeste, paisible. Jamais un mot plus haut que l’autre, jamais une impolitesse, une impatience, même si leurs filleuls improvisés dérangeaient leurs meubles si bien rangés, ou marquaient de boue leurs planchers si bien vernis.

Lise, du fond des années enfuies, revoit surtout Parrain avec son haut de forme, sa canne, sa redingote des jours de grand’messe. Il était beau avec ses cheveux blancs, mais Lise aurait juré qu’il était aussi vieux que le bonhomme Hiver. Marraine était grande, élé­gante et belle aussi, sans un seul fil gris dans sa lourde chevelure. Lise la voit encore avec ses matinées de soie noire, ses jupes de taffetas ou de moire, ou dans une robe gris pâle, à col baleiné. Marraine devait être très jeune, mais Lise la croyait vieille, également.