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LA MAISON

les prie-Dieu bien rangés restent vides ; quatre au plus sont parfois occupés par ceux qui jadis s’y agenouillèrent tant de jours…

C’est tout seul, le plus souvent, que l’on vient maintenant s’appuyer à la balustrade ; tout seul pour prier Dieu toujours là, puisqu’il est partout ; tout seul, le front dans les mains, le cœur étreint par les souvenirs qui s’éloignent, la souffrance des vides multipliés, l’irrépressible course du temps. Tout seul, pour sentir tout de même soudain, que ceux qui sont morts ne sont pas morts véritablement, que dans la petite chapelle déserte on les retrouve, on les revoit vraiment, priant eux aussi, le menton dans les mains ; ou encore, doux et chers fantômes allant d’un pas respectueux, des fleurs de l’autel au porte-évangile…

Dehors, pourtant, tous les pas semblent bien effacés sur le sable. Les pas de cette petite enfant trop sage, aux yeux d’Orientale ; les pas d’une fillette belle comme un pastel avec ses boucles d’or ; les pas d’une frêle adolescente, que déjà les choses de l’esprit dévoraient, qui restait seule avec son trop jeune âge, ses livres, ses rêves, parmi la kyrielle des jeunes filles déjà en fleurs, dont l’avenir se dessinait, se tissait sur la plage où des jeunes gens marquaient aussi la grève de leurs pas plus lourds. Jeunes gens, jeunes filles qui, dans l’émouvante