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AUX PHLOX
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Je me le demande. L’hôtel Wright vient d’être dévoré par les flammes. Il a fallu ce triste événement pour me le remettre en mémoire, et pour que j’apprenne l’origine du pauvre capitaine de bois maintenant anéanti.

Un régiment partit de cet hôtel pour la guerre de 1812. Au retour, c’est aussi de là que les soldats se dispersèrent ; comme ils aimaient leur chef, le capitaine Prévost, ils voulurent lui témoigner, à leur façon, leur reconnaissance. Ils rapportèrent de la forêt un beau tronc de pin, y sculptèrent son effigie. La statue peinte, ils l’élevèrent au coin du toit où elle se trouvait encore avant l’incendie, il y a quelques jours (mars 1932).

C’est là que, de ma première à ma dixième année, tous les jours j’ai vu le capitaine de bois. Pour nous, c’était le plus curieux et le plus intéressant des personnages. D’abord, nous lui supposions une espèce de vie. Puis vite, nous avions appris que c’était une poupée, mais nous aurions donné beaucoup pour qu’on la descendît et nous la prêtât.

Au bord du trottoir, devant l’hôtel, des hommes flânaient toujours, jouant aux dames, assis dans des chaises brunes à dossiers arrondis et à barreaux. Ils riaient de nos petits nez en l’air, se moquaient, nous disaient :