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LA MONTAGNE D’HIVER

— Dommage que je n’aie pas déjà faim, dit le jeune homme. Le lieu serait épatant pour notre pique-nique. On peut toujours fumer une cigarette…

Les montagnes se chevauchaient, blanches, piquées des cônes sombres des résineux et poudrées de lumière. Avec les vallées scintillantes où s’éparpillaient les maisons, elles composaient un tableau magnifique.

Ils reconnaissaient les routes, mais ils préféraient imaginer qu’elles représentaient l’inconnu. Des villas se perchaient partout sur les flancs abrupts, et dans leurs arpents de solitude, ressemblaient à des jouets. Quelques chalets modernes rompaient l’ensemble harmonieux où dominait la ligne des maisons ancestrales : toits penchés, lucarnes, larges cheminées. Des volets aux tons vifs adoucissaient la sévérité qu’avaient autrefois les vieilles demeures. De grandes baies remplaçaient les petites fenêtres de l’ancien temps, et dans le paysage immaculé, riaient des pignons rouges, bleus, verts, roses. Autour, les sapins garnis de neige donnaient l’impression que cette campagne célébrait une perpétuelle fête.

— Cela me rappelle un mot du petit neveu de Louise, l’autre jour. Tu es chanceuse, toi, ma tante, lui dit-il, ton jardin est rempli d’arbres de Noël !

Ils prolongeaient la halte. Ils ne pouvaient pas se lasser d’admirer. À leur gauche, dans une dépression, serpentait la Rivière au Mulet, dont les cascades continuaient à murmurer en dépit du gel. Quand ils se remirent en route, ce fut sur une piste descendante toute en douceur, sans tournants. Ils se laissèrent entraîner, ployant les genoux, penché en avant, balançant légèrement la taille et les épaules pour en épouser les courbes. Georges fredonnait. Madeleine était heureuse. Elle savourait dans son cœur cette