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LA MONTAGNE D’HIVER

Maryse, curieux et inexplicable mélange d’intelligence supérieure et de légèreté. Maryse, d’une lucidité pénétrante et qui affichait des dehors frivoles. Elle se savait irrémédiablement menacée, et elle ne semblait toujours songer qu’à tuer le temps, à le remplir à pleins bords d’agitation, de mondanités. Elle ne supportait pas une heure de solit­ude. Elle recherchait sans cesse quelqu’un pour rire, même à ses dépens. S’imaginait-elle, si elle n’y arrêtait pas sa pensée, échapper à son destin ? Elle donnait l’impres­sion d’une jeunesse qu’en réalité elle ne possédait plus. Jouait-elle la comédie pour sa mère et pour ses amis ? Sur sa table de chevet, son chapelet, une Imitation, des livres de spiritualité, contredisaient son comportement, ses idées mondaines, ses plaisirs vides, ses apparentes illusions.

Quelques années auparavant, elle avait rencontré un homme dont elle appréciait beaucoup la culture et les qualités d’esprit. Par snobisme, elle avait refusé cet excellent parti. Il n’était pas de ce qu’elle appelait « son monde ». Il demeurait malgré tout son ami, son chevalier servant. Un jour de fatigue et de mauvaise humeur, elle lui signifia qu’il valait mieux en finir. Elle le lui signifia de façon choquante, franche au point de dire des choses qu’il aurait mieux valu taire. Elle l’avait amené ce jour-là dans sa propre voiture, il l’avait attendue plus d’une heure, pen­dant qu’elle était chez son médecin. Lui non plus, sans doute, n’était pas de très bonne humeur. Elle le déposa près de sa maison, sans le ramener souper chez elle, comme elle le faisait le plus souvent. Cette fois, il la prit au mot. Il cessa totalement de la voir, de lui écrire.

Ce que le médecin avait dit à Maryse, cet après-midi-là, avait-il influencé sa subite façon d’agir ? En rentrant, elle avait dû s’aliter pour quelques jours. Elle raconta tout