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LA MONTAGNE D’HIVER

— Je te l’avais bien dit que cette réunion te ferait du bien. Avoue que tu as rencontré des gens épatants !

Il avouait. Pour Hélène, la distraction était le remède à tous les maux. Elle avait besoin du contact de ses semblables ; elle avait besoin de bruit, de potins, de mode, — et de musique, mais entendue dans une salle remplie d’un monde élégant et connu ! — Son bonheur consistait à être parmi ce monde trop agité, mais divers et intéressant.

L’âme de Madeleine était moins facile à combler. Hélène le sentait, malgré sa légèreté d’esprit, et elle en éprouvait une sorte de malaise, en face de sa jeune sœur.

Ce n’était pas pour son plaisir qu’elle la conduirait ce matin dans les magasins. Elle avait décidé qu’il était temps de secouer la torpeur qui clouait Madeleine à son appartement depuis la mort de son mari. Dieu seul savait ce que la pauvre enfant pouvait méditer seule à journée longue dans cette atmosphère encore pleine du drame. Si, au moins, Madeleine s’était remise à la couture qu’elle réussissait à merveille ; mais non, lorsqu’elle était forcée de sortir, elle portait la robe noire qu’Hélène lui avait cédée au premier moment, — en lui disant : « Je te la donne, » — et elle mettait le chapeau que la modiste avait apporté d’urgence. Dans la maison, Madeleine s’accoutrait d’un chandail et d’un pantalon de velours côtelé, qui avaient connu de meilleurs jours. Hélène s’en offusquait :

— Tu as l’air d’une existentialiste !

Depuis tout un mois, Madeleine n’avait donc pas eu le courage de chercher mieux. Avait-elle l’illusion qu’elle pourrait se contenter de pareils oripeaux pour son deuil ? Hélène allait y voir.

— Heureusement que je suis là, soupirait-elle.