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LA MONTAGNE D’HIVER

religieux, soit en niant la présence de son Ange Gardien, soit en se moquant des Indulgences. Elle aimait à se donner figure d’hérétique. Et le Colonel, qui n’avait pas été sans péché, était quand même d’une sévérité janséniste sur ce chapitre. Cela surprenait Maryse qui, au fond, considérait comme une marque de supériorité d’être au-dessus de ce qu’elle appelait des naïvetés.

— Saint Augustin, saint Thomas, saint Jean Chrysostome, etc., tous des naïfs, disait Louise avec ironie… Et combien d’autres !… Mais pas Maryse, par exemple, Maryse ne s’en laisse pas conter…

Parfois, par ailleurs, Maryse exprimait des idées si païennes que Louise à son tour se fâchait. Certains soirs, malgré les rires qui ponctuaient les discussions, l’air devenait orageux. Maryse exprimait des opinions d’une irrévérence si terrible, que Louise s’indignait. Maryse s’obstinait, paraissait ne rien comprendre.

Louise déclarait :

— C’est une infirmité mentale. Tu n’es peut-être pas responsable. Si l’on te parle de sanctification, de mérites, d’offrande, de Communion des saints, tu es,… pardonne-moi le mot vulgaire… tu es absolument bouchée. C’est vraiment une infirmité, je te le répète.

Maryse évidemment ravie de l’insulte, ou contente d’avoir fait marcher son hôtesse, riait de plus en plus.

— Tu es bachelière. Tu as fait des études philosophiques. Il ne t’en est pas resté pour cinq sous de logique. Tu me désespères. Mais au moins, souviens-toi de l’Évangile des talents. Ceux que tu as reçus, qu’en fais-tu ?

— Ah ! Louise, ne me rappelez pas l’Évangile ! Ayez pitié de mon cœur malade. Je suis ici pour me reposer, me rebâtir. Je ne veux pas de leçons de morale.