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LA MONTAGNE D’HIVER

avait coûté de soins, de peines, d’anxiétés, de travail, et aussi d’orgueil et de fierté. Car Maryse jeune fille et adulte était une réussite humaine. Tout cela qui finissait si tristement, et la laissait les mains vides, le cœur gonflé de regrets et si seule, si seule.

— Maryse morte ! répétait encore et toujours Madeleine.

Louise s’était ressaisie et cherchait un moyen d’approuver Dieu.

— Au fond, son cas était si difficile. Dieu l’a réglé. Elle aurait trop souffert de la vie diminuée qu’elle devait désormais adopter. Les beaux projets que je lui avais mis en tête, je comprends à présent qu’elle était trop gravement atteinte, pour avoir la force de les exécuter…

Louise parlait et Madeleine revit Maryse, telle qu’un soir, où côte à côte, elles s’étaient penchées au-dessus d’un journal ouvert sur la table. Madeleine l’avait subitement mieux regardée, et elle avait été saisie de la grande finesse de ses traits. Elle s’était dit : « Comme elle est encore belle ». Ses cheveux noirs et courts, bouclaient autour de l’oreille nacrée, épousaient ensuite la forme exacte de la tête. Le nez était mince et droit, la plume minuscule des sourcils marquait un arc parfait sur la peau mate, les cils noircis retroussaient.

— Ce n’est pas naturel, disait Maryse. Je les frise, je les assombris.

Elle disait aussi :

— Je ne m’habitue pas à cette tête que m’a fait mon coiffeur. À vrai dire, je ne me reconnais pas.

Madeleine, qui ne l’avait pas vue au temps de sa coiffure sévère et de ses cheveux lisses, avait été à cet instant là, frappé par la jeunesse et la beauté de son profil, par