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LA MONTAGNE D’HIVER

vicaire avait entrepris de dresser un nouvel enfant de chœur. Celui-ci servait avec un gamin déjà initié qui le guidait. Le nouveau avait une tête blonde, et de grands yeux suppliants, qu’il fixait constamment sur son entraîneur, — au lieu d’observer ce qui se passait sur l’autel. Le système était mauvais. L’enfant ne faisait aucun progrès. Mais il était si touchant avec son air angélique, que Louise avait toutes les peines du monde à ne pas le regarder continuellement. Les yeux si purs de l’enfant, exprimaient une telle bonne volonté et tant d’embarras. Souvent, son instructeur étant distrait, l’enfant attendait en vain un signe. Perdu, il n’allait pas où il devait aller : chercher les burettes, ou changer le missel de place. Le vicaire attendait un peu, puis, se détournant, souriait, faisait un geste que l’apprenti, soulagé et heureux, comprenait tout de suite.

Un matin, il fut seul avec le prêtre dans le chœur. Son instructeur était sur le premier prie-Dieu, à gauche. Ce fut un désastre. Le chérubin, la tête dans le dos, avait les yeux plus grands et plus suppliants que jamais. Mais il faisait tout en retard.

Enfin, on le laissa seul et il dut se débrouiller. Ne se fiant plus qu’à son petit livre de répons et à ce qu’il avait appris, l’enfant de chœur servit d’une façon impeccable.

Louise regretta parfois, le charmant spectacle qu’il avait si longtemps donné aux fidèles. Mais elle entendit mieux la messe. Il était urgent de prier pour tant de problèmes. Le village était l’image du bonheur. Il semblait une oasis où les périls et les laideurs du monde ne pénétraient pas. Mais Dieu savait ce qui pouvait s’y passer. Avec l’alcool, ce fléau sans égal, toléré, entretenu si souvent par des chrétiens, sans aucun sens de leur responsabilité. Un dimanche, après les vêpres, passant devant un des hôtels, Louise avait vu sortir du grill, une fillette de quinze ans,