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LA MONTAGNE D’HIVER

Louise, entendant cette exclamation, repensa à tous les inconnus en vacances qui lui parlaient, lorsqu’elle était sur les champs de neige. Immanquablement, les premières questions posées entre deux descentes, ces gens exprimaient le même sentiment et répétaient :

— Que vous êtes chanceuse de vivre ici !

Elle l’était. Elle en remerciait le ciel. Mais un petit sourire ironique au coin des lèvres, elle songeait qu’elle ne pouvait pas vivre dans cette particulière euphorie des jours de congé, qui était la leur. Habiter Les Escarpements définitivement, c’était y avoir apporté avec soi, son lot accoutumé de soucis et de tracas.

C’était quand même le bonheur. Au fond d’elle-même, Louise souhaitait demeurer dans ce village jusqu’à sa mort. Elle l’appelait le Porche du Paradis, nom d’un Hôpital pour les vieillards. Ici, mieux qu’autrefois dans le tumulte de la ville, elle entrevoyait l’ultime joie qui dépasserait la joie terrestre, même celle de certains jours parfaits de neige et de soleil dans la montagne.

— Moi, disait Madeleine, je dois ma chance à mon costume de ski. Si je ne l’avais pas vu au bon moment, qui m’aurait incitée à vous demander l’hospitalité ? Il me semble de plus en plus que rien ne pouvait m’arriver de mieux… J’étais si désorientée, si vous saviez…

— Je sais. Pour moi, Madeleine, ton arrivée fut également une bénédiction. Il y a deux périodes creuses dans la vie à la campagne. Avant la neige, quand les jours sont courts et que l’hiver n’est pas installé. Et après, la saison du ski terminée, quand les routes sont désertes, boueuses, et que le printemps est capricieux et maussade. Marie choisit ce moment-là pour aller revoir ses parents. Je demeure seule. Je lis, puis, je vais à l’église jusqu’à trois fois par jour ! Le matin, pour la messe, — l’après-