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LA MONTAGNE D’HIVER

— Oublie le lilas, mon vieux, rétorqua Jules d’un ton moqueur. Nous arrivons de dehors, et sans les « robes de carrioles », ouf ! Ça ne sentait pas le lilas, mais la neige et le dix sous zéro, même !

En silence, Madeleine se souvint qu’allant un soir de mars ouvrir la porte pour goûter l’air plus doux, elle avait en rentrant annoncé l’odeur des lilas. Sa mère avait aussi protesté : « Tu rêves, ma fille, ils sont encore loin… » Aujourd’hui, pensait-elle, je souhaite qu’ils soient encore loin.

Devant la fenêtre, le paysage de plein midi se déployait. L’azur, les montagnes, les triangles des résineux, le soleil et toutes ces maisons qui escaladaient la colline jusqu’à l’église, et ces skieurs inlassables qui continuaient à évoluer, tout exprimait la joie de vivre. Madeleine admirait, en écoutant les propos des deux hommes mis en verve.

Ils discutaient et se contredisaient avec entrain. Ils avaient pénétré depuis quelques instants, dans le domaine de la politique. Leur argumentation était parfois cocasse.

— Nos discussions ne sont pas courtoises, nous réduisons tes « femmes » au rôle passif d’auditrices. Elles préféreraient prendre part à la conversation, j’en suis sûr.

— Elles ont le droit de vote, qu’elles nous expriment leur opinion.

— Vous ne nous en donnez pas le temps ! déclara Jeanne, c’est comme d’habitude. On accuse les femmes d’être bavardes et ce sont les hommes qui en réalité parlent le plus.

— Nous, c’est qu’il nous faut régler le sort du monde…

— Et Dieu sait si vous y réussissez !

— Pas mal ! Avec des paroles, des projets, des critiques, des enquêtes, des médisances, et des associations qui