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RICHE EXEMPLE À SUIVRE


Vienne. — Ce coup-ci, les aminches, c’est du nanan que le vieux Peinard va vous servir :

Une bonne bougresse, travaillant au bagne Séguin, a foutu une tournée carabinée à son contre-coup, un salaud nommé Copp.

L’atelier Seguin jeune est, kif-kif tous les autres, une galère infecte, mais depuis que cette bourrique en est le contre-coup, c’est pire qu’une Centrale, cré pétard !

C’est tous les jours des nouvelles vexations qu’il invente.

Ainsi, quand il arrive à une ouvrière de se tromper, il est d’habitude que les camarades donnent un coup de main à la copine qui s’est blousée pour avoir plus vite réparé l’anicroche. De ce fait, le singe y trouve son compte, de même que la tisseuse, puisque le métier reste moins longtemps arrêté.

Ce sale chameau de contre-coup est si gourde qu’il n’a pas pu encore comprendre ça. Si bien que quand il arrive malheur à une bonne bougresse, le salaud ne veut pas qu’on l’aide.

Autre chose : Si, pour se distraire un peu du turbin abrutissant, une ouvrière chantonne un refrain, pouf ! le marlou lui tombe dessus et l’engueule salement.

Pour les heures de rentrée, c’est kik-kif bourricot : cinq ou dix minutes en retard, c’est des scènes à tout casser – quand ce n’est pas la porte illico.

Or donc, lundi après-midi, la bonne bougresse en question était en retard juste d’un quart d’heure. Le garde-chiourme n’hésite pas, il lui fout sa courroie à bas.

La riche typesse s’amène et, reluquant sa courroie par terre, se fout en colère d’une chouette façon ; elle s’en va trouver le singe et lui demander ce que ça signifie, et s’il a à se plaindre d’elle.

« Mais non, répond le galeux, ça va s’arranger ; allez dire au contre-maître de remettre votre courroie.

— Moi, m’abaisser à ce feignant ! Ah non, alors ! »

Et la moutarde montant au pif de l’ouvrière, elle redescend quatre à quatre les escaliers, tombe sur le type et lui tambourine la gueule à tire-larigot.

Si bien, nom de dieu, que tous les autres en jubilaient comme des petites folles et claquaient ferme dans leurs mains approuvant carrément la chouette bougresse — à qui le père Peinard envoie un gros bécot.


SALE PORC !


Un rude salaud, c’est le contre-maître Jacquemot, de l’entreprise Benoît et Bernier, des exploiteurs qui construisent la ligne de chemin de fer de Nantes à Léger.

Quand un prolo a une copine assez gironde, le contre-coup envoie le prolo balader sa viande à une vingtaine de Kilomètres, à seule fin qu’il ne puisse s’amener à la maison. Pendant ce temps, le mossieu s’en va faire du plat à la ménagère ; si elle résiste, le cochon n’y va pas par quatre chemins : « Oh, je ne vous force pas. Seulement si vous ne voulez pas, c’en est fait de votre mari ; demain, il sera renvoyé comme un propre à rien ».

De fait, ça ne manque pas ! Si la bonne bougresse a tenu bon, le lendemain son homme est foutu à la porte.

Jusqu’ici, le contre-coup n’a eu à faire qu’à des bonnes têtes ; il se pourrait bien qu’il trouve à qui parler un beau jour.

Voyez-vous qu’une riche bougresse, ayant l’air d’être gentille avec lui, s’avise de lui couper la chique avec un couteau de cuisine ?…

Ou sans aller si loin qu’elle lui foute une bonne potée d’eau bouillante sur ses fluttes à café ?…

Nom de dieu, on dit qu’un chat échaudé craint l’eau chaude. Ça doit être bien kif-kif pour les contre-coups.